Vincent VAN GOGH : « Le semeur au soleil couchant » (1888)
Jésus parlait de la proximité du Royaume avec l’art du conteur, nous appelant à comprendre à la fois avec le cœur, la raison et nos sens. Van Gogh l’a imité avec ses pinceaux et ses couleurs. Il a réalisé ce tableau intitulé « Le semeur au soleil couchant » en 1888 à l’âge de 35 ans. Il s’était toujours ému des conditions de vie difficiles des ouvriers et des paysans, des plus pauvres. Il avait aussi une formation de théologien comme son père qui était pasteur.
L’effet « waouh ! »
Ce que l’artiste arrive à rendre ici de façon étonnante, c’est d’abord « l’effet parabole ». En marketing, il y a une expression à la mode pour décrire l’effet de surprise suscité par un produit nouveau sur la clientèle : l’effet « waouh ! ». C’est une astuce pour inciter le consommateur à acheter sans réfléchir, sous le coup d’un étonnement.
Lorsque Jésus racontait des paraboles, il jouait aussi à déstabiliser son auditoire, mais avec lui, l’étonnement ne servait pas à provoquer un achat compulsif mais au contraire à prendre conscience de nos actes et de nos façons de penser. Pour produire « l’effet parabole », il superposait deux plans de la réalité très éloignés l’un de l’autre : ainsi la banalité d’une action humaine, comme celle de semer, et la puissance divine qui fait croître la vie. Ou encore la petitesse insignifiante d’une graine et une abondante moisson…En usant de tels contrastes, Jésus voulait susciter notre foi au Dieu de la Vie. Car c’est seulement par le regard de la foi que la petite graine peut être perçue comme une promesse de moisson, et par analogie, tous nos commencements médiocres comme une promesse du Royaume.
Les signes du Royaume
Comment Van Gogh arrive-t-il à suggérer la présence du Royaume dans la banalité de cette scène de semailles ?
D’abord par les couleurs étranges qui lui donnent une tonalité surnaturelle. Ce qui frappe surtout, c’est le soleil immense, jaune vif, qui irradie le ciel de sa lumière comme en plein jour, alors que c’est déjà le crépuscule. Ce soleil couchant est en réalité un soleil en gloire qui domine tout le tableau, l’image du règne de Dieu sur toute chose.
Ensuite, par la vie qui refleurit, sur le vieil arbre penché. Ces fleurs qui poussent hors saison, sur un tronc desséché, sont les signes de la création toujours à l’œuvre à laquelle nous participons.
En contraste avec la lumière éclatante du ciel, le semeur apparaît en contre-jour, comme une silhouette qui avance d’un pas tenace et régulier comme celui qui n’abandonne pas.
Courage, nous participons à quelque chose de plus grand que nous !
Ne ménageons pas notre peine même si le résultat nous est pour l’instant caché. En homme de foi, Van Gogh nous transmet ainsi sa conviction qu’une indéfectible promesse nous conduit, mystérieusement, des tout petits débuts jusqu’à l’accomplissement. Le Royaume n’est pas transmis en clair, mais sa venue demeure - waouh ! - un émerveillement.
Eva Clapiès