L’instant T de la révélation…
VELASQUEZ : « Le Repas à Emmaüs » (1617)
Après Pâques, c’est dans notre quotidien que nous sommes appelés à entamer un nouveau chemin, mais nous ne sommes pas seuls, Dieu nous accompagne, comme le Christ avait accompagné les disciples sur la route d’Emmaüs. Cet épisode de l’évangile de Luc a beaucoup inspiré les peintres.
Le peintre espagnol Diego Vélasquez a traité ce thème avec beaucoup d’originalité, dans ce tableau réalisé vers 1617. D’habitude, ce qui est mis au premier plan, c’est la scène qui se passe à l’auberge, entre Jésus ressuscité et les deux disciples. Nous connaissons le récit de Luc (24, 13-35) : après avoir marché et parlé avec un étranger qui leur expliqua que Jésus était en réalité le Christ toujours vivant, ils reconnaissent que cet étranger était en réalité Jésus, à la façon dont il rompit le pain ; mais voilà que celui-ci se déroba aussitôt à leur vue…
Vélasquez met au premier plan une jeune servante métisse, comme il y en avait beaucoup à Séville au 17ème siècle. Elle est en train de travailler dans la cuisine et voilà qu’elle entend ce qui se passe dans la pièce à côté. Intriguée, elle tourne légèrement la tête du côté d’où viennent les voix et elle écoute, immobile et attentive! Tandis que ses oreilles captent les paroles du Christ et de ses disciples, sur son visage étonné commence à se refléter la Lumière. Oui, Vélasquez traduit ici l’instant « T » de la Révélation !
Il nous montre que la Révélation se reçoit dans la simplicité du quotidien, personnifiée par cette jeune servante. Il nous invite à l’accueillir à notre tour, l’esprit ouvert et disponible : c’est cette disponibilité et cette ouverture que symbolise le récipient vide tourné vers nous sur la table.
Ce tableau montre aussi le changement de temps. La scène représentée en petit, en haut, c’est le passé de la vie terrestre de Jésus et des premiers disciples, tandis qu’au premier plan, c’est le temps présent, le nôtre, celui de l’intériorité et de la mémoire.
Nous devinons aussi dans cette cuisine la présence du pain et du vin : le vin est contenu dans la cruche que tient la servante et le pain est enveloppé dans le linge blanc qui dépasse du panier suspendu. Le peintre évoque ainsi les éléments de la Sainte cène, instituée par Jésus pour le temps de son absence, celui de l’attente et de l’espérance.
Eva Clapiès