Comme un portrait…
Rembrandt : « Visage du Christ » (1648)
1648 est l’année qui vit la fin de deux terribles guerres : la guerre de Quatre-vingts ans entre les Pays-Bas et l’Espagne et la guerre de Trente ans, qui toucha toute l’Europe, opposant catholiques et protestants. Ces deux conflits majeurs furent des luttes de pouvoir mêlées à des querelles religieuses qui causèrent des millions de morts.
Rembrandt était déjà un homme d’âge mûr et il avait connu des deuils successifs : ceux de ses enfants et celui de sa chère épouse Saskia. Financièrement, il était aux abois. Toutes ces épreuves auraient pu constituer une tentation pour lui de perdre la foi. Mais ce fut tout le contraire : sa foi gagna en profondeur et en intensité, et elle ne le quitta pas jusqu’à son dernier souffle.
Ici le Christ est représenté comme un homme ordinaire, sans aucun signe de divinité. Pour s’approcher au plus près du Jésus de l’Histoire, le peintre prit comme modèle un jeune homme de la communauté juive d’Amsterdam.
Ce n’était évidemment pas une représentation conforme aux traditions iconographiques de l’Eglise, car ce n’est ni un Christ souffrant, ni un Christ auréolé de gloire ; ce n’est pas un tableau savant truffé d’allusions théologiques, mais un « portrait » d’une simplicité inouïe. Personne n’avait osé, avant…
Jésus était-il vraiment comme il apparaît sous les pinceaux de l’artiste ? Son apparence
physique restera à jamais cachée à nos yeux. Ce que Rembrandt nous présente ici en réalité,
c’est sa propre vision de Jésus, débarrassé des doctrines compliquées et des traditions imposées,
si souvent sources de conflits. Il nous offre à contempler Celui qui a marché à ses côtés sa vie
durant, et qui voulait être l’ami de tous les hommes. Tout simplement. Et Rembrandt réussit le « miracle »
de nous le rendre infiniment présent.
Eva Clapiès