Les résidents des Ehpad ont souvent été confinés avant et après les autres Français. Une souffrance pour nos aînés et leurs familles, même si tous saluent l’engagement des personnels.
À 90 ans passés, Lina garde une perception aigue de ces quatre mois de confinement de mi-mars à mi-juillet. « C’était long, très long. J’étais dans une prison », lâche-t-elle, en montrant sa chambre. Le médecin faisait sa tournée, cherchait à rassurer. Mais plus question de descendre dans les espaces de vie. Finies les animations et le coiffeur. Matin, midi et soir, les repas, de qualité inégale, sous-traités à l’extérieur, étaient pris dans la chambre.
« On en avait ras-le-bol », répète-t-elle. Et d’évoquer ses journées, allongée sur son lit, à se repasser le film de sa vie : l’enfance, la guerre, la mort de son père dans un bombardement, puis les souvenirs lumineux de voyage avec son mari, les échanges avec ses collègues au travail. Mais aussi des deuils. De ceux dont on ne guérit jamais… Seule, mais pas solitaire, Lina a eu des coups de fil. Elle s’intéressait au quotidien de ses proches, sans imaginer le confinement généralisé. Et questionnait, excédée : « Ce sera fini quand ? Ce n’est plus une vie ! »
Ne pouvant plus lire, elle regardait la télé, « plutôt les chaînes allemandes ». Après le début du déconfinement, une intervenante lui parle du culte du dimanche. Elle s’habille soigneusement, se rend dans le hall. « C’est à la télé », la rabroue une employée, en la renvoyant dans sa chambre… « Des fois, on entendait dire que quelqu’un était décédé », glisse-t-elle. Ses deux voisines n’ont pas été malades et le trio se retrouvait dans le couloir, « mais on faisait le guet ! ». Puis les visites ont eu lieu, de loin et sur rendez-vous.
« Travailler ensemble »
Annemarie Marin est la fille d’une vaillante centenaire. Il n’y a pas eu de dysfonctionnement dans l’Ehpad de sa mère. Pour autant, la question du « travailler ensemble » entre la direction et les familles se pose. « Que signifie un projet de vie individualisé si on décide pour les résidents ? On a donné la priorité au sanitaire, oubliant l’humain. Ne comprenant pas l’absence de visites, certains parents ont été en colère contre leurs enfants et ont fini par décrocher », analyse-t-elle. Elle s’interroge « sur la place des aumôniers dans un telle crise ». « Le côté spirituel me tient à cœur », souligne la paroissienne de Bischheim et députée au consistoire supérieur. Elle propose « que l’UEPAL crée un groupe de travail pour comprendre comment notre Église a vécu cette situation, comment elle est intervenue, et surtout pour anticiper une nouvelle épidémie…»
Yolande Baldeweck