Nadia Savin, avec d’autres protestants réformés du Pays Basque, appelle à la libération des prisonniers auteurs de crimes, mais aussi à une confession réciproque pour aboutir au pardon.
Né dans le contexte franquiste et meurtrier jusqu’en 2006, le conflit basque oppose des indépendantistes aux gouvernements espagnol et français. Les armes se sont tues en 2011 et l’organisation ETA (1) s’est auto-dissoute en 2018, mais le conflit perdure sur le champ politique. En France, la justice retoque, sur appel de l’État, toute libération conditionnelle de membres de la lutte armée incarcérés quand ils ont déjà purgé leurs peines de sûreté. Ses motifs sont par exemple que ces libérations seraient « de nature à provoquer l’indignation et la colère des proches et amis des victimes, comme plus largement d’une opinion publique, (...) qui seraient, à n’en pas douter inutilement et cruellement offensés ». Les magistrats pointent maladroitement l’absence de pardon de “ l’opinion publique ”, qu’ils posent comme un préalable à la libération des prisonniers. Or la justice ne peut pas être conditionnée au pardon accordé par la victime, elle opère selon les lois collectives indépendamment des sentiments personnels. Les juges ne se contentent pas de rendre (mal) justice, ils appellent à une réconciliation. Pour ce faire, il faudrait une compréhension et un pardon réciproques des parties. C’est ce à quoi aspire la société civile basque, qui s’est structurée en 2013 en une association, Bake Bidea - le chemin de la Paix -, afin de négocier, entre autres, la libération des prisonniers. Mais ces négociations patinent car la démarche est unilatérale. Ni les prisonniers, ni l’État ne font repentance. Si l’Afrique du Sud a réussi, là où les Irlandais ont échoué, c’est parce que les acteurs de la réconciliation tendaient vers une unité nationale commune. Mais les acteurs indépendantistes basques souhaitent au contraire une autodétermination. Tant que chaque partie n’admettra pas publiquement ses péchés, ses vérités, ses blessures, il n’y aura pas de réconciliation, car il ne peut y avoir de pardon sans repentance. Qui commence ? Pour l’instant personne.
Nadia Savin
1) ETA est l’acronyme pour Euskadi Ta Askatasuna -Pays basque et liberté