Professeur agrégé de philosophie, Olivier Peterschmitt, 54 ans, tient depuis quatre ans Le Coin du philosophe dans la rubrique Questions de vie. Un exercice qu’il est parvenu à apprivoiser grâce au dialogue.
Disserter sur une question à portée philosophique en 2500 signes, c’est le défi lancé tous les deux mois à Olivier Peterschmitt par Le Nouveau Messager. Or 2500 signes, c’est peu. Si peu, que le philosophe a dans un premier temps hésité à refuser l’exercice lorsque Patricia RohnerHégé – rédactrice en cheffe jusqu'en 2014 – le lui a proposé. Car comment résumer en si peu d’espace un raisonnement capable de noircir des pages entières, sans en perdre la subtilité ? Olivier Peterschmitt a choisi le dialogue pour relever ce défi. Un moyen de dire beaucoup de choses «sans être indigeste» et de revenir à «l’essence de la philosophie» qu’est la dialectique. «La vérité commence à deux, glisse le philosophe. Mais la raison de fond de ce dialogue, c’est que chacun porte en lui une contradiction fondamentale, entre la certitude et la foi d’un côté, et le doute ou le non-savoir de l’autre. » Dans son dialogue, Socrate est la personnalisation de la foi, Philon, celle du doute. Le premier est un théiste, à la fois rationnel et mystique, essayant «de se passer d’images avec tout ce que cela a d’abstraction, d’insatisfaisant.» Le second est un sceptique. «Il fait jouer la raison contre l’idée d’un au-delà de la raison et utilise largement les ressources de la psychologie pour déconstruire les discours religieux.» C’est à Socrate qu’Olivier Peterschmitt laisse toujours le mot de la fin. «Cela correspond à mon aspiration à faire taire le Philon qui est en moi, sourit-il. J’aime mettre en doute le doute, et construire un raisonnement positif.»
La Bible comme un roman
Ce «dialogue de l’âme avec elle-même» permet au philosophe de proposer une réponse à la question de vie, elle-même inspirée du verset détaillé sur la page opposée. Une imbrication qui ne lui semblait «pas du tout aller de soi», surtout au début. «La question me paraissait limiter le verset, ou être en décalage avec ce dernier. J’avais une vraie difficulté à traiter l’un et l’autre. J’ai fini par accepter de répondre à la question, en intégrant les termes du verset dans ma réponse.» Pour Olivier Peterschmitt, la Bible est «un ouvrage stimulant» en ce qu’elle fait parler un Dieu à qui on parle. «C’est tout de même le personnage le plus intriguant de la littérature mondiale. Tous les ouvrages qui le font parler ne le font pas avec autant de subtilité», juge le philosophe. Et c’est précisément ce qui l’attire. « Il me semble que là est une partie de sa force. Les philosophes parlent de Dieu, comme les théologiens. Mais seuls les mythes osent faire parler Dieu et parler à Dieu. Or nous avons besoin de cette source aussi. Elle rend vivante l’idée de Dieu, elle lui donne une présence, une réalité physique et langagière […]. On ne pourra jamais faire mieux que de concevoir une parole qui nous semble digne de Dieu.» Plus qu’un livre de morale ou de sagesse, Olivier Peterschmitt perçoit la Bible comme un roman qui lui apprend à «romancer sa vie avec la compagnie de Dieu». «J’aime voir comment d’autres ont fait et s’en sont trouvés transformés, moins seuls, habités d’une voix qui parle et d’une présence qui recueille notre voix intérieure.»
Anne Mellier