Espoir, optimisme, attente béate ou eschatologique. Confiance, avenir, assurance, promesse de Salut, Royaume de Dieu. Pour définir notre espérance, sans doute nous faut-il d'abord chercher qu'elle est son objet. Qu'espérons-nous en définitive ?
Chères lectrices, chers lecteurs du Nouveau Messager, est-ce que vous êtes plutôt optimistes, ou pessimistes ? Lorsque vous constatez les mutations du virus, les symptômes du dérèglement climatique, la montée du terrorisme, la récession économique, quel regard portez-vous sur l'avenir ? Vous me répondrez sans doute : être optimiste, ce serait de la naïveté ; et être pessimiste, ce serait de la résignation, du fatalisme. Et vous auriez raison ! Car, en réalité, ce dont nous parle la révélation biblique, ce n'est ni d'optimisme, ni de pessimisme, mais d'espérance. Mais qu'est-ce que l'espérance ?
Tout d'abord, il faudrait distinguer, avec le théologien Jacques Ellul, l'espoir et l'espérance. L'espoir, c'est la perspective d'une amélioration de la situation, à vues humaines : «Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir», et «L'espoir fait vivre». L'espérance, c'est quasiment le contraire de l'espoir, car c'est bien souvent quand il n'y a plus d'espoir que surgit l'espérance. Or, l'espérance est le fil rouge qui se déroule tout au long de la Bible. L'espérance est toujours liée aux promesses de Dieu : c'est l'assurance que Dieu tiendra ses promesses.
Dans l'Ancien Testament, le mot hébreu que l'on traduit par espérance est un terme très concret tiqvd, c'est une corde tendue entre deux personnes. L'espérance, c'est donc une corde tendue entre aujourd'hui et demain. La Bible hébraïque témoigne de cette fidélité de Dieu, qui sans cesse promet et accomplit ce qu'il a promis. L'espérance concerne d'abord des biens matériels : c'est la terre promise, c'est la prospérité, c'est la délivrance et le rétablissement du peuple. Puis l'espérance évolue des biens matériels vers des biens spirituels : ce qui est promis, c'est la réconciliation et l'harmonie relationnelle, c'est la joie et le bonheur, et finalement, dans les textes les plus tardifs de l'Ancien Testament, l'espérance concerne la venue du Messie, la Résurrection, et enfin c'est Dieu lui-même qui s'identifie à l'espérance.
Jésus au milieu de nous
En entrant dans le Nouveau Testament, la promesse suprême de Dieu s'accomplit en Jésus-Christ : la fidélité de Dieu se trouve attestée par la venue du Messie. Et c'est Jésus-Christ lui-même qui est appelée « notre espérance». L'espérance est relancée lorsque Jésus annonce le Royaume de Dieu. Mais ce Royaume n'est pas seulement quelque chose à attendre pour l'avenir. En Luc 17, versets 20 et 21, il nous est raconté une scène où les Pharisiens demandent à Jésus quand viendra le Royaume et comment on le reconnaîtra (en employant le futur) ; et Jésus leur répond (au présent !) : « Le Royaume de Dieu est au milieu de vous ! » Or, les Pharisiens entourent Jésus, par conséquent celui-ci est « au milieu» d'eux, c'est donc de lui-même qu'il parle lorsqu'il parle (au présent !) du Royaume de Dieu. Et il en a parlé ainsi il y a deux mille ans. Le Royaume de Dieu, c'est donc la présence de Jésus au milieu (ou au-dedans) de nous : il est à la fois déjà là et pas encore là, puisque Jésus est présent au milieu de nous, mais qu'il reviendra pleinement à la fin des temps.
Quelle est donc la différence entre la foi et l'espérance ? On pourrait dire, d'une simple formule, que l'espérance c'est la foi pour demain, et que la foi c'est l'espérance pour aujourd'hui. La foi est une relation vivante que nous entretenons avec le Dieu de Jésus-Christ, et l'espérance la persévérance dans cette relation vivante lorsque nous nous tournons vers l'avenir. Il y a au moins deux textes qui parlent de notre avenir : en Matthieu 28, verset 20, Jésus nous dit qu'il est avec nous « tous les jours jusqu'à la fin du monde» ; et en Romain 8, versets 31 à 39, Paul affirme que « ni la mort ni la vie », rien jamais « ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur». Pour notre avenir, Dieu ne nous promet pas l'éradication de la Covid, ni la réussite de la COP 21, ni la fin du terrorisme, ni la sortie de la récession (tout cela relève de l'espoir). Mais il nous promet la présence de Jésus-Christ. Et cela, tous les jours : dans les jours de joie comme dans les jours de nuit. Dans nos échecs comme dans nos succès. Y compris à travers les drames et les larmes. Rien ne nous séparera jamais de notre Dieu. Telle est notre espérance, à distance autant de l'espoir que du désespoir. Devant nos contemporains, partagés entre l'optimisme et le pessimisme, telle est l'espérance dont nous devons « toujours être prêts à rendre compte» (1 Pierre 3, verset 15).
Frédéric Rognon,
Professeur de philosophie à la faculté de théologie protestante de l'université de Strasbourg