Trois questions à Catherine Jenny, directrice de l’école d’art-thérapie de Sélestat
Qu’est-ce que l’art-thérapie ?
C’est une relation thérapeutique avec un support créatif. Ce n’est pas l’art qui soigne, mais le thérapeute qui accompagne. Chaque séance débute par un entretien, où la personne amène ce qui la fait souffrir. Il en faut parfois plusieurs pour que le thérapeute clarifie avec elle de quoi elle parle vraiment, par exemple derrière des plaintes de surface projetées sur les autres et qui trouvent leur origine dans l’enfance. Alors l’art-thérapeute peut commencer à poser des questions pertinentes. S’il lit un rejet de son corps, il peut lui demander de se représenter physiquement. Il peut proposer de la peinture, du modelage, du théâtre, de la photographie et même de la danse... Le courant humaniste dont je fais partie s’intéresse aussi au langage du corps.
Donc dans l’art-thérapie la création ne vise pas la beauté...
La valeur esthétique n’est pas ce qui nous préoccupe. Ce qui est au centre, c’est le processus créatif, le parcours de création, en présence d’un thérapeute bienveillant, témoin que la personne œuvre pour elle-même et non plus pour faire plaisir aux autres. Il s’agit de mobiliser toutes ses ressources, le corps, la pensée, la créativité... Puis de regarder la réalisation et d’en faire une lecture symbolique pour découvrir des aspects de sa vie qui lui étaient restés inconscients. Ça peut être peindre une représentation du théâtre qu’elle a à l’intérieur d’elle ; ou même faire un gribouillis de rage. La beauté est dans la prise de conscience soudaine qui va l’ouvrir à de nouveaux horizons.
Quels bénéfices observez-vous dans ce type de thérapie ?
Le processus de création aide la personne à se rencontrer, et à trouver la capacité de répondre elle-même à ses besoins, à ne plus dépendre de l’autre, grâce à l’expérience de ses ressources créatives. Et créer n’est pas limité à la dimension artistique. C’est aussi créer sa vie, s’ajuster au monde et non plus s’y adapter, sortir d’une posture de soumission pour devenir juste avec soi-même, dire ce qui nous convient ou pas. Si je peux créer dans un cadre thérapeutique, je peux créer quelque chose de satisfaisant et juste de ma vie. Les bénéfices sont en rapport avec la demande singulière de la personne, même s’ils ne sont pas toujours ceux qu’elle attendait, car le processus créatif est le processus du vivant, l’ouverture à des possibles que nos esprits n’ont pas toujours la capacité d’imaginer. La demande dépend de ce qu’elle espère pour elle-même et ce qu’elle a besoin de lever comme obstacles. Finalement, l’objet est qu’elle fasse une œuvre de sa vie et qu’elle la trouve belle.
Propos recueillis par Claire Gandanger