Pasteure et potière, Régine Lehner anime régulièrement des ateliers d’initiation à la poterie céramique. En mai, elle était à Hagondange avec les paroissiennes et paroissiens de la Vallée de l’Orne, pour un moment aussi spirituel que créatif sur le thème de l’arbre.
Dans le jardin du temple de Hagondange, des arbres sortent de terre sous la pointe des stylets. Penchées sur leur ouvrage, une quarantaine de personnes s’appliquent à offrir fruits et racines à leurs créations, en écoutant les conseils de Régine Lehner sur la manière de coller de petits éléments sur leurs bas-reliefs en argile.
Pasteure à Sarrebourg, Régine Lehner est aussi potière depuis plus de quinze ans. Pour elle, le travail de la terre est profondément spirituel. Lorsqu’elle pense au lien entre cette activité et son ministère, ce sont des versets de la Genèse qui lui viennent spontanément. « Ceux qui disent que nous sommes à la fois poussière du sol et souffle de Dieu », expose-t-elle.
« En poterie céramique, on travaille avec les quatre éléments. L’eau, pour le modelage. L’air, pour le séchage. Le feu, pour aboutir à la pièce finale, poursuit la pasteure. On retrouve également beaucoup de vertus présentes dans la Bible, comme la patience, car on travaille au rythme de la Terre. Le lâcher-prise : il y a un temps pour tout, et lorsqu’on confie nos pièces au feu, on accepte ce qu’elles deviennent. On redécouvre aussi l’émerveillement, et la confiance en soi, devant ce qu’on est capable de faire avec ses dix doigts. »
À travers « ce métier hors du temps, qui remonte aux débuts de l’humanité », Régine Lehner transmet certes des valeurs, mais aussi une façon « d’aller à l’essentiel ». « C’est un moment où l’on descend dans les mains. On est relié à soi, à son être intérieur, mais aussi à Dieu. »
« Je ne crois pas qu’il y ait une forme d’art qui ne soit pas spirituelle »
À l’ombre des arbres, l’ambiance est à la fois détendue et concentrée autour des tables, en ce début d’après-midi. À peine troublée par quelques enfants en train de jouer au loup. Francine et Anne-Lise discutent à mi-voix, en esquissant quelques derniers travaux. Toutes deux pratiquent régulièrement des activités manuelles et créatives.
« Ce sont des moments où je me sens plus vivante, confie Francine. Je me sens reconnectée avec mon ventre, avec mes tripes on va dire. La suprême récompense, quand je crée, c’est que je m’étonne moi-même. » « Oui c’est vrai que le résultat n’est jamais vraiment ce qu’on avait attendu, renchérit Anne-Lise. C’est l’inattendu qui arrive dans ce jaillissement créatif ou dans cette pause. Je sens que c’est un rendez-vous en profondeur. » « Le temps se suspend, il y a une notion d’éternité, ajoute Francine. Je ne crois pas qu’il y ait une forme d’art qui ne soit pas spirituelle. » Pour elle, le divin se manifeste aussi « dans le beau ». « La beauté vient de ces instants de grâce. C’est la sensation de s’être laissé toucher par quelque chose de plus grand que nous. » Quelque chose qui modèle au-delà des mains, et la glaise, et le souffle.
Anne Mellier