Dans les sociétés anciennes, la loi du talion résumée par l’expression « œil pour œil dent pour dent », était destinée à endiguer l’escalade de la violence. Elle imposait des limites aux représailles – un œil pour œil et pas davantage – et remplaçait l’idée de vengeance sans fin, de vendetta entre tribus. La loi du talion ne tenait pas compte des circonstances individuelles, des motivations ou de la possibilité de rédemption. Dans ce schéma, seule la punition comptait, la douleur devait être compensée par la douleur. L’Ancien Testament évoque plusieurs fois ce type de justice rétributive. Dans le Nouveau Testament, Jésus oppose une vision radicalement différente. « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Matthieu 5, versets 38 et 39). Jésus invite à une approche opposée à celle de la loi du talion. Il appelle ses disciples à dépasser l’esprit de rétribution pour adopter une attitude de miséricorde, de pardon et d’amour, même envers les ennemis. Il insiste sur l’idée que la justice véritable ne réside pas dans la revanche, mais dans la capacité à désamorcer la violence.
La justice moderne n’applique pas la loi du talion. Même si elle souffre de lenteurs dans les procédures, d’inégalités d’accès, de manque de moyens, même si elle fait des erreurs, elle cherche d’abord la réhabilitation et la réparation. Plutôt que de punir, elle vise à comprendre les causes du crime, à corriger les comportements et à offrir aux victimes un sentiment de réparation, non par la souffrance de l’autre, mais par une reconnaissance de leur souffrance et des moyens de réparation adaptés. Dans l’idéal, la justice pourrait être encore plus réparatrice. Ainsi, Howard Zehr*, enseignant à l’Université mennonite d’Harrisonburg aux États- Unis, est l’un des fondateurs d’une justice alternative appelée justice restaurative. Il explique : « La justice ne sera pas rendue si nous continuons à nous concentrer exclusivement sur les questions qui animent nos systèmes judiciaires actuels : Quelles lois ont été violées ? Qui l’a fait ? Que méritent-ils ? La véritable justice exige au contraire que nous posions des questions telles que celles-ci : Qui a été blessé ? De quoi ont-ils besoin ? Quelles sont les obligations et les responsabilités de chacun ? Qui a un intérêt dans cette situation ? Quel est le processus qui peut impliquer les parties prenantes dans la recherche d’une solution ? »
Gwenaelle Brixius
* Le justice restaurative. Pour sortir des impasses de la logique punitive, de Howard Zehr, collection Classiques, éditions Labor et Fides, 2024.