Qui n’a jamais gribouillé ? Sur un bout de papier pendant une longue conversation téléphonique, dans un cahier d’écolier pendant un cours ou sur un bloc-notes pendant une réunion qui n’en finit pas ? Des gribouillages, nous en trouvons partout. Dans les manuscrits médiévaux par exemple. Ils consistent dans certains cas en des essais de plume qui avaient une fonction pratique pour les copistes, celle de tester l’encre. Si certains moines se contentaient d’écrire un probatio pennae (j’essaie mon stylo), d’autres plus inspirés ajoutaient des illustrations, dessinaient des ornements ou de petits croquis humoristiques parfois même irrévérencieux.
Entre le gribouillage d’un moine dans les marges d’un livre et la sculpture d’un artiste reconnu, ce qui nous interpelle c’est qu’ils sont l’un et l’autre porteurs d’une histoire personnelle, d’une époque et d’une culture. Par leur création, ils révèlent leur personnalité, leur imagination, leurs goûts, leurs influences, leur pensée. Qu’une œuvre nous fasse sourire, qu’elle nous émeuve, qu’elle nous fascine par sa beauté ou le savoir-faire dont elle témoigne, qu’elle soit la preuve du génie de son auteur ou qu’elle délivre un message qui nous interpelle, dès qu’elle nous surprend et nous fascine, elle nous emmène déjà ailleurs. Parce que ce qui la sous-tend reste mystérieux et irrationnel. Inspirée, elle nous inspire à son tour d’une manière ou d’une autre. Ainsi lorsqu’à notre tour il nous est donné de créer, toute notre liberté est dans ce mystère.
À la manière des copistes médiévaux qui, dans leur univers bien normé, dessinaient des fantaisies toutes personnelles dans les interstices laissés par le texte ou les enluminures, preuves de leur libre imagination. L’Esprit est dans cette liberté.
Gwenaelle Brixius
juillet-août 2021