N’est-ce pas une erreur de chercher à parler de la mort, de s’évertuer à la décrire alors que nous n’en avons jamais fait l’expérience ? Lorsque nous parlons de la mort, ne parlons-nous pas en réalité de deuil, cette épreuve qui nous jette dans la plus profonde et la plus insurmontable des tristesses ? Si la mort est un tabou, le deuil l’est tout autant.
Alors qu’on nous enjoint de répondre aux demandes de performance, d’efficacité et d’immédiateté, il ne fait pas bon montrer sa souffrance, encore moins si elle dure. Faire son deuil est une expression très habituelle pour désigner les étapes jusqu’à l’acceptation de la mort d’un proche. Or, cette expression est impropre tant elle dit que le deuil un jour finira, qu’il suffit de le vouloir. Même si notre entourage pense bien faire en nous conseillant de tourner la page , même s’il existe une littérature abondante sur la bonne gestion de notre chagrin, il s’avère que le deuil ne finit pas et que faire son deuil est surtout une injonction à ne plus imposer ses larmes aux autres. La mort de l’autre change totalement notre vie jusqu’à la fin. Il nous faut vivre avec une absence et cela continuera de nous faire souffrir d’une manière ou d’une autre. En définitive, il ne reste guère que le moment des funérailles où on nous autorise à exprimer notre peine.
Avec les funérailles et les rites qui les accompagnent, nous cherchons à prolonger d’une certaine manière la vie de celui ou celle qui n’est plus, pour mieux accepter qu’il ne reste que nos souvenirs. Ces rites sont importants et nous les vivons autant pour rendre hommage au défunt que pour nous réconcilier avec notre vie. Le deuil est intime et se vit souvent dans la solitude. C’est pourquoi il est essentiel de pouvoir lui faire une place en le racontant parce qu’alors c’est notre histoire commune avec le proche disparu que nous racontons, non avec nostalgie mais avec espérance pour l’avenir. De l’espérance pour l’avenir, c’est justement, ce que je vous souhaite de trouver dans les pages de ce numéro et de ceux qui suivront.
Gwenaelle Brixius
novembre-décembre 2019