Le pardon est une formule de politesse. Nous l’utilisons lorsque nous présentons nos excuses, pour demander à quelqu’un de répéter lorsque nous avons mal entendu ou encore à l’envolée pour traverser une foule.
Pourtant, le pardon que nous transformons en cette petite exclamation de politesse, pardon !, n’est pas une excuse. Nous le savons bien puisque nous l’avons forcément expérimenté : pardonner n’a rien d’évident ou de spontané. Pardonner demande un vrai travail : il faut un repentir et il faut réparer. En somme, avant le pardon, il faut de la justice et donc, faire le récit de la souffrance et de l’humiliation, du mal commis et subi. Le pardon a ceci de singulier qu’il n’est effectif que s’il est parlé. Mais avec tout cela, nous n’en sommes pas encore au pardon total. Les choses restent compliquées. Combien de fois, avons-nous entendu, je pardonne, mais je n’oublie pas ! ? Combien de fois, l’avons-nous dit ? Le mal laisse une blessure, une cicatrice avec le temps, il est impossible de l’effacer et donc de l’oublier. Certes, nous pouvons accorder notre pardon, mais pas sans un reste de rancune. Accorder son pardon est difficile parce que c’est comme renoncer à une dette qu’on nous doit, c’est avoir l’impression que toute la souffrance ressentie ne vaut presque rien alors qu’elle a été si douloureuse..
Si accorder son pardon est difficile, qu’en est-il alors du pardon dans l’Histoire, du pardon entre les peuples après une tragédie, un conflit armé, un génocide ? Le pardon est-il possible dans les faits ou n’est-ce qu’une belle déclaration d’intention pour apaiser les esprits et la mémoire ? Le Rwanda, l’Arménie, le Pays Basque, l’Alsace-Moselle : ce ne sont que quelques exemples de régions du monde et de France meurtries au cours de l'Histoire et où la question du pardon se pose encore aujourd'hui. C'est ce dont témoignent justement les personnes interrogées dans le dossier de ce numéro.
Même, si nous sommes conscients qu’une société ne peut exister sans le pardon, sinon la vie deviendrait un enfer et la seule relation possible entre êtres humains ce serait la violence et la vengeance sans fin, nous devons assumer qu’il y a de l’impardonnable. Le pardon n’est pas impossible mais, il demande bien plus que les seules forces humaines. Il n’est pas un concept intellectuel, il est au-delà de l’Histoire et de la raison. Il est de Dieu. Car enfin, il n’y a pas de pardon sans Dieu, son amour, sa miséricorde et sa grâce.
Gwenaelle Brixius
novembre-décembre 2020