Il ne se passe pas une journée sans qu’une sombre affaire de violences ne vienne perturber notre ‘paisible’ quotidien. Trop longtemps, nous n’avons pas fait grand-chose, argumentant que cela ne se passe pas chez nous, que nos systèmes ne sont pas concernés, que c’est le contexte qui enfle une réalité dont nous minimisions l’importance... Un peu à l’image de ces trois singes : le premier se cache les yeux, le deuxième se bouche les oreilles et le troisième bâillonne sa bouche. Ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire. Mais cela ne peut constituer une attitude responsable. Ce serait même une inclinaison vers une complicité certaine. Depuis plusieurs semaines, mois et années, les religions ne sont pas épargnées par des violences sexuelles ou spirituelles commises en leurs seins. Quelles qu’elles soient, du bouddhisme au catholicisme en passant par le judaïsme et le protestantisme. Au point que des commissions sont créées pour étudier ces faits, des personnes nommées pour recueillir les témoignages des victimes. Lors de son Assemblée générale fin janvier, la Fédération protestante de France a distribué une plaquette abordant ces problèmes au sein du protestantisme. Toutes et tous concernés ! Et cela n’a rien à voir avec un statut marital, une éducation ou même une spiritualité car le fond est bien à chercher du côté de la violence propre à chaque être humain. Ce numéro du Nouveau Messager invite à sortir de cette zone sombre, silencieuse et sourde. Oser aborder cette problématique est un geste volontaire : nous devons, au nom même de ce que nous croyons, être en mesure d’ouvrir les yeux sur ces actes dont nous détournons le regard. Il nous faut écouter celles et ceux qui ont subi de telles violences. Il nous faut leur dire, avant toute autre chose, « Je te crois ! ». Une ligne de crête délicate, une place inconfortable, un soutien aux plus faibles comme pour attester que nos convictions ne doivent être entachées de connivence. Ce n’est ni une chasse aux coupables, ni une instruction à charge. Il s’agit d’assumer la force de notre humanité : pleurer avec celles et ceux qui pleurent, défendre les plus fragiles, faire œuvre de droit. Lire avec attention ces échanges, écouter ces témoignages, méditer ces textes pour être aux côtés des victimes avant tout. Sans attendre et en traitant le cas des auteurs de manière différenciée. Le Christ lui-même n’a pas manqué de manifester de telles attitudes. II a également invité ses disciples à une extrême vigilance : « Malheur à celui qui fait trébucher un de ces plus petits (...) » (évangile de Matthieu chapitre 18, verset 6). La sanction est claire : au fond du lac avec une meule au cou ! Un appel pour nous à un accompagnement bienveillant et exigeant pour ne pas entrer dans les ténèbres de la complaisance. Avec l’aide de Dieu, avec le soutien de nos sœurs et frères, pour porter la voix de ces victimes que l’on oublie, que l’on nie ou que l’on fait taire. Trop souvent et depuis trop longtemps.
Bernard Guillot,
directeur