Kitsch ou réalistes, grandeur nature ou en modèle réduit, avec des personnages en plastique, en bois ou en terre cuite, les crèches sont omniprésentes en ce moment. Elles sont de sortie au moins jusqu’à l’Épiphanie avec l’arrivée des mages, même si elles ne sont plus toujours les bienvenues dans l’espace public, laïcité oblige.
Pourquoi un tel succès ? Je me dis qu’une des explications possibles est le lien avec notre enfance. Marie, Joseph, les bergers, les mages, l’enfant Jésus ou les animaux ne ressemblent-il pas aux jouets qui faisaient notre bonheur ? Certes, nous n’étions pas toujours autorisés à les toucher, car ces figurines étaient souvent fragiles et passaient la plus grande partie de l’année emballées dans du papier journal, soigneusement rangées dans une boîte. Cela dit, la tentation était grande de jouer avec l’âne, le bœuf, les moutons ou encore les chameaux et peut-être même avec l’enfant Jésus.
Outre cette référence à l’enfance, la crèche ne représente-t-elle pas, dans nos esprits, une époque où tout allait bien ? Dans l’histoire de la Nativité, nous avons l’impression d’avoir affaire à une famille idéale. Les anges chantent la gloire de Dieu et annoncent la paix sur la terre. Magnifique ! Seulement, à y regarder de près, tout n’était pas si idyllique. Côté famille, Joseph veut d’abord renvoyer Marie qui était enceinte, mais pas de lui. Concernant la naissance elle-même, tout n’était pas rose puisque nous découvrons que Marie a été contrainte d’accoucher à Bethléem et pas à Nazareth à cause du recensement ordonné par les envahisseurs romains. Ces voyageurs ne sont pas spécialement les bienvenus. Loin de chez eux et troublant la tranquillité des habitants du cru, ils sont relégués dans l’étable. Enfin, nous assistons aux manœuvres d’un chef d’État tyrannique qui veut se débarrasser d’un rival potentiel. La belle image en prend un coup.
Voilà que la crèche nous renvoie à des réalités plus complexes que ce que nous pouvions imaginer au départ. Et si nous la regardions différemment, avec nos yeux d’adultes en faisant le lien avec ce que nous vivons aujourd’hui dans notre monde. Cela dit, si notre regard change, le message de la crèche n’est-il pas le même depuis 2000 ans ? Elle est pour les croyants le signe que Dieu s’abaisse jusqu’à rejoindre les endroits les plus sombres de notre humanité, avec ses réalités parfois difficiles. En Matthieu 1, un ange annonce à Joseph : « La vierge sera enceinte et mettra au monde un fils, et on l’appellera Emmanuel, ce qui se traduit Dieu est avec nous. »
Daniel Boessenbacher,
pasteur et président du conseil d’administration de l’association Le Messager
Janvier-février 2025