En psychologie sociale, plusieurs expériences ont été menées pour étudier les phénomènes de groupe ou encore la propension d’un individu à exercer de la violence. Le phénomène de groupe a été défini dans les années 1950 par l’expérience de Asch, du nom de Solomon E. Asch, un psychologue américain. Son objectif était d’étudier ce qui fait que des individus résistent ou se conforment aux pressions du groupe même quand celui-ci exprime un avis contraire ou irréaliste. Ce que cette étude révèle, c’est que nous sommes bien plus influençables que ce que nous pourrions croire tant nous souhaitons être conformes.
Une autre expérience, menée dans les années 1960, aux États-Unis toujours, est celle du psychologue Stanley Milgram. Cette fois-ci, il s’agissait de vérifier si un individu était capable d’infliger de la torture à une personne qu’il ne connaissait pas, juste parce qu’il en recevait l’ordre d’une autorité qu’il juge légitime. Le résultat de l’étude démontre qu’un individu se soumet d'autant plus facilement à l’autorité que son éducation l’y a préparé ou que la désobéissance est source d’angoisse et de peur. Ce que le psychologue relève aussi, c’est l’idée que l’individu perd le sens des responsabilités et ne se sent pas fautif puisqu’il ne fait qu’obéir aux ordres. Qu’il s’agisse de soumission au groupe ou à l’autorité, il semble que l’individu rejette la faute sur d’autres ou cherche à justifier d’une manière ou d’une autre la violence qu’il inflige. Pour le philosophe Olivier Abel, il n’en demeure pas moins qu’il y a un facteur dont on ne parle pas ou peu et qui est « le cœur sombre de nos sociétés » : l’humiliation. Un sentiment que nous connaissons forcément pour en avoir été les témoins, pour en avoir été les victimes ou pour l’avoir fait subir. Pour le philosophe, il est nécessaire d’imaginer une société où l’on pourrait déjouer le système d’humiliation avant qu’il ne se banalise de plus en plus jusqu’au point de nous rendre totalement insensibles. « C’est pourquoi pour finir, il importe de revenir au sujet parlant, agissant, responsable et citoyen du monde pour désarmer sa capacité à humilier ou à être humilié, critiquer les usages délibérés ou pervers de l’humiliation, mais éventuellement aussi les usages pervers de la prétention à avoir été humilié. Faisant l’inventaire des manières de réagir, nous chercherons une manière de répondre à l’humiliation qui ne soit pas une réaction, mais qui préserve la capacité d’agir librement. »*
Gwenaelle Brixius
Mars-avril 2023
* De l’humiliation. Le nouveau poison de notre société, d'Olivier Abel, éditions Les liens qui libèrent, 2022.