Alors que l’épargne classique ne rapporte plus, les Églises aussi veulent diversifier leurs placements et leur donner du sens.
L'Entraide et solidarité protestantes (ESP) qui gère les réserves financières de l’UEPAL, se donne pour objectif d’investir progressivement un quart de ses réserves dans des placements qui soutiennent des pratiques éthiques. Déjà, elle s’interdit de placer ses fonds dans les matières premières, tels l’eau ou le blé. Depuis 2017, l’Église protestante unie de France (EPUdF) s’attache quant à elle à « décarboner » les investissements de son fonds de placements nommé Solipro - complémentaire de ses réserves de trésoreries courantes. Elle exclut donc au maximum les sociétés d’énergies fossiles de ses investissements. 0,7 % de Solipro sont encore engagés dans ce type de sociétés. Un établissement financier spécialisé dans la gestion d’investissements sélectionne les placements selon un cahier des charges établi par l’EPUdF, qui lui donne son avis tous les mois.
Les deux Églises n’ont pas les mêmes dispositions à la prise de risques. L’EPUdf s’autorise à investir dans des actions cotées en bourse, de sociétés d’énergies nouvelles notamment. Si ces choix sont risqués, elle table sur le fait que les placements à long terme diminuent le risque de perte de valeur de ces actions. « Nous sommes plus ou moins enclins à prendre des risques selon les périodes, et ajustons la part d’actions en fonction », explique Thierry Besançon, directeur des services de l’EPUdF. Depuis sa création en 2008, Solipro a connu deux années perdantes pour neuf années gagnantes, précise-t-il.
L’ESP, et donc l’UEPAL, joue au contraire la prudence. « Au pire, on ne doit rien perdre », insiste Renaud Schoettel, trésorier de l’ESP. « Et nous ne pouvons pas nous permettre de bloquer des fonds pendant trop longtemps. » L’institution cherche des possibilités de placements qui garantissent le maintien du capital investi. Un type d’offre encore très rare sur le marché des placements éthiques. « On ne peut pas jouer aux apprentis sorciers avec les dons des paroissiens », insiste Renaud Schoettel. « Les réserves d’aujourd’hui, nous en aurons besoin demain. » Après deux ans de prospections, une unique proposition adéquate est actuellement à l’étude.
S’accorder sur les critères d’éthique
Au sein de l’EPUdF, l’objectif de « décarbonisation » fait l’unanimité, en accord avec le positionnement de l’institution contre le changement climatique. Mais pas question de viser des objectifs sociaux. « Il n’y a rien de plus subjectif que l’investissement social », prévient son responsable protestant. « Nous voulons éviter des débats trop clivants au sein du synode national qui rassemble des Églises trop diverses. » Ailleurs, la cible retenue peut être d’autant plus resserrée que l’institution n’a pas de compte à rendre en assemblée générale. Le fonds catholique Ethica exclut ainsi les sociétés associées à la pilule du lendemain. Le conseil d’administration de l’ESP se réfère pour sa part au label Investissement socialement responsable (ISR) et à ses critères environnementaux, sociaux et de gouvernance définis par l’État, comme par exemple la qualité du dialogue social, l’emploi des personnes handicapées, ou encore l’égalité femmes-hommes. « Nous n’avons pas les volumes financiers pour créer notre propre fonds avec son cahier des charges et ne voulons pas nous transformer en gestionnaire de fonds », justifie Renaud Schoettel. « Ce n’est pas la mission d’une Église. Nous faisons confiance aux banques classiques sur les critères garantis. »
« Avec nos petits millions, nous n’avons pas la prétention d’avoir une influence », assure Thierry Besançon. « Toutefois, une Église peut faire des choix de société », complète Renaud Schoettel. « Il s’agit simplement d’être en cohérence interne avec nos discours », conclut Thierry Besançon. Le choix des placements financiers n’est qu’une possibilité parmi d’autres. Certaines institutions préfèrent investir dans les terres et l’immobilier pour servir des projets éthiques et solidaires.
Claire Gandanger