Donner la parole, témoigner et s'enthousiasmer

La pasteure Isabelle Gerber a été élue présidente du Directoire, l’organe de direction de l’Église luthérienne (Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine - Epcaal) le 5 mai dernier. Le pasteur Pierre Magne de la Croix a été élu, le 8 juin, président du Conseil synodal de l’Église réformée (Église protestante d’Alsace et de Lorraine - Epral). Quelles sont leurs priorités ? Quelles orientations pour l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal) ?

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Isabelle Gerber, avant d’en être élue présidente, vous siégiez au Directoire au titre d'inspectrice ecclésiastique. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

Isabelle Gerber : J’ai trouvé dans cette équipe une grande cohésion et beaucoup de confiance. Chacun, chacune donnait ses arguments et nous pouvions facilement nous laisser déplacer. Ce qui était moins réjouissant, c’étaient les dossiers disciplinaires que nous avions à traiter mais, nous faisions corps quant aux décisions que nous prenions.

Pierre Magne, vous êtes président du Conseil synodal depuis déjà deux ans. Quel est votre bilan ?6-7_Pierre_carré.jpg

Pierre Magne de la Croix : Je suis passé de pasteur de paroisse à une fonction de président. J’ai été amené à traiter un certain nombre de dossiers que je n’avais pas prévus : beaucoup d’administratif et de juridique et des situations difficiles à gérer. Mais je l’ai fait avec une belle équipe, le Conseil synodal. Nous en venions à nous connaître et à cultiver la confiance, la collégialité et le discernement. Il m’avait été demandé il y a deux ans d’être sur le terrain. J’ai essayé d’être tous les dimanches dans un lieu différent et je constate que ce qui est important n’est pas tellement d’élaborer des textes, mais de commencer par la pratique et l’expérimentation. L’évaluation vient ensuite.

Quels sont vos priorités dans les mois qui viennent ?

I. G. : Je pense que nous devrions rapidement signifier aux paroisses que nous savons que leur urgence est les bâtiments et que ça les plombe. Grâce à la réforme de l'Entraide et solidarité protestantes (ESP) qui est en cours, nous pourrons proposer à toutes les paroisses qui le souhaitent l'aide d'experts dans la gestion des bâtiments.

P. M. : Il y a aussi la question de la direction des ressources humaines et l’accompagnement des pasteurs. Il y a la question de la jeunesse… Lors de la prochaine Assemblée de l’Union – qui réunit tous les délégués du Synode réformé et du Consistoire supérieur luthérien – en juin 2025, nous pourrions établir un échéancier pour les priorités à traiter. Nous devons poser la question aux paroisses : comment se projettent-elles dans les trois, six et neuf prochaines années ?

I. G. : Ça voudrait dire qu’idéalement, l’année prochaine, nous voterions les nouvelles orientations stratégiques en assemblée de l’Union. Nous avons déjà mis en place les nouveaux ministères, nous devons avancer sur notre stratégie de communication… Sur le dossier de la jeunesse, nous devons nous demander comme nous impliquons les jeunes dans nos lieux décisionnels ? Comment nous les embarquons dans des projets ? Comment nous aidons un secteur à avoir un groupe de jeunes, à le mettre en place, à avoir des projets qui ont du sens ? Un autre point est celui de la formation des laïcs et des outils que nous devrons élaborer. Il y a aussi la question écologique. Même si elle est d’abord liée à une inquiétude économique – le chauffage des églises par exemple –, elle préoccupe les paroisses.

La sectorisation est le fait de rassembler plusieurs paroisses voisines. Est-ce l’alternative trouvée pour réunir les forces puisque les églises se vident et qu’il y a une baisse significative de pasteur·es ?

P. M. : L'un des dossiers qui est important et sensible, c’est l’accompagnement des collègues pasteurs. Épuisement, perte de sens, recherche de reconnaissance, il y a toute une évolution à prendre en compte et qui va demander un accompagnement particulier. À cela s’ajoutent les questions de génération, les questions de mobilité, de déplacement, de conjoint, de logement…

I. G. : Je parlerais de découragement et des communautés et des pasteurs. Devant des assemblées plus petites, devant un manque d’intérêt pour ce que propose l’Église, que faisons-nous ? Revenir à l’essentiel pour se nourrir parce que, pour ne pas s’épuiser, il faut savoir où puiser. Par rapport aux communautés qui deviennent plus petites, les forces qui diminuent en personnes, en argent... Il faut encourager le travail en commun. Il faut inventer une nouvelle présence d’Église pour la ville et pour la campagne.

On parle de présidence luthérienne, de présidence réformée et de présidence de l'Uepal. Comment alléger le fonctionnement de l’Union ? S’il faut l’alléger.

I. G. : Nous héritons d’une Union qui a 18 ans. Il y a donc des choses qui doivent évoluer. Nous perdons du temps et de l’énergie lorsque des décisions sont prises dans chacune des instances, luthérienne et réformée, pour ensuite être discutées en Assemblée de l’Union (Uepal). Parfois il faut une validation administrative des deux instances pour un point discuté lors de l’Assemblée de l’Union. C’est insatisfaisant. En revanche, assez vite se sont mises en place les rencontres régulières entre les inspecteurs et inspectrices ecclésiastiques – les délégués pasteurs des sept secteurs luthériens d’Alsace et de Moselle, ndlr – et les présidents de consistoires réformés – les délégués pasteurs des trois secteurs réformés d’Alsace et de Moselle, ndlr. Ces rencontres sont importantes et précieuses pour avoir une bonne vision des préoccupations du terrain.

P. M. : Il faudra des ajustements ici et là, sans doute, mais à mon sens le lieu de décisions est le Conseil plénier – il réunit les délégués pasteurs et laïcs des deux Églises, 16 personnes au total, ndlr. Il faudrait qu’il soit en mesure de prendre sa place dans les orientations et les décisions à prendre. Toutes les institutions ont leurs défauts et elles ne sont que des instruments. Ce qu’on leur demande, c’est de savoir s’adapter.

Pourquoi l’Église luthérienne doit-elle être plus synodale dans son fonctionnement ?

I. G. : Lorsqu’on dit synodal, c’est démocratique que l’on entend. En réalité, ce qu’on demande à l’Église luthérienne c’est qu’elle mette en place plus de participatif. Tout le monde est représenté dans le Consistoire supérieur qui est l’organe qui vote les décisions pour l’Église luthérienne. Cela fonctionne bien parce que les délégations fonctionnent bien. C’est vrai que le véritable défi pour faire synode est de permettre au peuple de l’Église de se saisir des dossiers et des thématiques abordés. Comment fait-on pour que les travaux du Consistoire supérieur soient connus dans les paroisses ? Je pense qu’il faut raconter les choses, autant qu’on peut et expliquer que l’Église n’impose rien, que les discussions prennent du temps.

P. M. : L’institution a du retard et a du mal à prendre en compte les évolutions et la réalité du terrain. Dans ce que je vis en Église, je vois que souvent les anticipations, les expérimentations, les innovations viennent du terrain. L’institution qui a d’autres préoccupations, et c’est légitime, a du mal parfois à prendre en compte les priorités de l’Église locale, des paroissiens. À un moment donné, le Synode se saisit de quelque chose qui est là, qui avance, qui est en expérimentation, en réflexion. Et puis, ses membres officialisent ce qui se fait et donnent les moyens dans tel ou tel lieu de le faire ou de ne pas le faire. Par exemple sur la question de la bénédiction des couples de même sexe, ça se fait depuis 40 ans. Mais à un moment donné, c’est important que l’institution le prenne en compte et le pense pour un ensemble. Il s’agit de faire communion et d’entendre aussi ce que vivent les personnes.

Et l’Église, c’est… ?

P. M. : Il nous faut redécouvrir une fonction de l’Église qui est d’être en mesure de débattre et de donner la parole. Être moins dans l’argumentation, dans le savoir, dans l’intelligence, dans les analyses, dans les diagnostics, mais plus dans le témoignage personnel.

I. G. : Je suis heureuse quand on arrive à partager de l’enthousiasme en Église. Si nous lisons correctement les Évangiles, une Église qui a pignon sur rue, c’est une anomalie. Ce sont de petites choses, ce sont des réalités modestes qui sont importantes. Pouvoir reconnaître les pépites qui sont sur notre chemin. Et réenchanter un peu la vie d’Église ensemble.

Propos recueillis par Gwenaelle Brixius

 

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