Le 15 mai dernier, Sœur Claudine Ribstein a pris la suite de Sœur Danielle Renaud en tant que prieure de la communauté des Diaconesses. Sœur depuis trente ans, elle a d’abord vécu au Hohrodberg avant de rejoindre la maison mère, rue Sainte Élisabeth à Strasbourg, il y a 15 ans.
Comment est née votre vocation ?
À la sortie de l’école normale, j’ai été institutrice à l’école de Cronenbourg Cité. Elle était voisine de la paroisse dans laquelle je me suis engagée. J’avais 25 ans environ : c’est une période de la vie où l’on se pose beaucoup de questions. À mesure que je m’engageais dans la foi, j’interrogeais Dieu sur ce que j’allais pouvoir faire de ma vie. J’ai commencé un chemin de réflexion sur le célibat en disant à Dieu qu’il m’était égal d’être célibataire ou de me marier tant que j’étais heureuse. Je voulais juste savoir discerner ce que je devais faire. Après deux ans et demi de cheminement, j’ai entendu dans mon cœur que j’étais libre : Dieu ne m’obligeait à rien mais m’indiquait qu’il pourrait y avoir une suite pour moi dans ce chemin. J’ai alors commencé à m’intéresser aux communautés et pris une année sabbatique pour découvrir celles qui existaient. L’une d’elles a annulé ma venue au tout dernier moment. J’avais déjà rendu mon appartement, toutes mes affaires étaient chez mes parents… alors j’ai appelé le Hohrodberg, que je connaissais déjà, pour leur demander si je pouvais venir comme stagiaire. J’y suis montée pour cinq mois pendant lesquels j’ai poursuivi mes projets de visite. Et finalement, un peu de la même manière que pour le célibat, j’ai entendu dans mon cœur : « Tu es libre, mais je cherche des femmes pour être sœurs au Hohrodberg » et j’ai répondu à cet appel. Pendant le postulat, j’étais encore
pleine d’hésitations, mais quand j’ai fait ma demande pour entrer au noviciat, j’ai connu
une paix intérieure qui ne m’a plus jamais quittée. Cela fait trente ans cette année.
Quelle est aujourd’hui la mission des sœurs diaconesses ?
La communauté a une vocation de prière et d’accueil. Lorsque je suis arrivée à Strasbourg, c’était d’ailleurs pour développer la dimension d’accueil en ville, en faisant de la maison mère un centre communautaire. Finalement, les choses ont pris un tour inattendu. On a rapidement accueilli des gens qui étaient en quelque sorte en panne dans la vie, qui avaient besoin d’être hébergés pour un temps, pour des raisons très diverses. On connaissait une dame qui s'était cassée la hanche en tombant dans le tram et qui était venue chez nous en convalescence parce qu’elle n’avait pas d’autre solution. On a aussi accueilli une famille qui était coincée parce qu’ils avaient acheté un appartement mais que les travaux n'étaient pas encore terminés… On ne fait
pas de bail ou de facture, mais on propose de petits contrats individualisés pour que les personnes donnent une participation selon leurs possibilités. On a toujours eu des gens de passage alors qu’on ne fait pas de pub du tout. On ne vit que des situations singulières.
Est-ce que cette dimension de prière et d’accueil est quelque chose qui vous attirait ? Qui vous a portée au Hohrodberg ou ici à Strasbourg ?
Quand je suis entrée dans la communauté comme sœur, il était clair que c’était pour la vocation de prière et d’accueil. J’ai retrouvé dans le travail au Hohrodberg des choses que j’avais essayé de vivre seule avant. Ensemble, on a pu héberger des gens que j’avais moi- même essayé d’accueillir sans succès. À plusieurs, c’était plus simple. Au Hohrodberg, on accueille parfois des gens qui ont besoin de parler, de retrouver des repères. Il faut juste qu’ils soient ouverts au niveau de la foi. Avec trois ou quatre offices par jour, et repas en silence matin et soir, mieux vaut ne pas faire de boutons quand on parle de Dieu sinon ça ne marche pas. À part ces points fixes, les gens sont libres d’organiser leurs activités dans la journée. On reçoit aussi beaucoup de groupes :
des conseillers presbytéraux, des enfants du collège Lucie Berger…
Le métier d’institutrice ne vous manque pas ?
Peut-être est-ce mon caractère... mais, une fois que j'ai pris une décision, je vais de l’avant. Quand j’ai eu la conviction que je devais laisser mon métier pour devenir sœur, je suis entrée dans une nouvelle tranche de vie. Mais au Hohrodberg, nous avons une chambre de jeux pour les tout-petits. Beaucoup de familles passent nous voir. Je me suis retrouvée entourée d’enfants en me disant que c’était un joli clin d’œil. Quand je suis arrivée à Strasbourg, c’était très différent. Ce n’était pas juste mon idée : nous avions pris cette décision en communauté. Mais je me suis dit
que c’était un nouveau défi.
En quoi consiste le rôle de prieure que vous avez endossé le 15 mai dernier ?
Prieure vient d’un mot latin qui veut dire premier. La prieure est la première entre les sœurs, c’est la responsable sans pour autant être une sœur supérieure aux autres ou la sœur directrice comme ça a pu être le cas à une autre époque. Au début de mon ministère, j’ai aussi pris des engagements : j’accompagne les sœurs et je travaille en accord et en lien tout à fait étroit avec le conseil de la communauté, qui est élu – comme la sœur prieure – par l’ensemble de la communauté. Ce dernier s’occupe des décisions et du suivi de la vie économique. Nous avons de l’argent à gérer et des maisons que nous devons entretenir. Je dirais que la prieure est celle qui doit veiller à ce que la communauté tienne ses engagements, sa vocation de prière et d’accueil. Je suis aussi celle qui fait le lien avec l’établissement des diaconesses* et avec l’Église, étant membre de l’assemblée de l’Union. Mon rôle de prieure a été reconnu comme un ministère d’Église.
Qu’est-ce qui vous a poussée à accepter cette nouvelle mission ?
Je la vis comme un nouvel appel de Dieu et un nouveau service à rendre à la communauté et à l’Église. Ces dernières années, j’ai travaillé étroitement avec Sœur Danielle. Comme elle était au Hohrodberg, j’étais son bras droit à Strasbourg et je pense que cette expérience m’a préparée à pouvoir rendre ce nouveau service. Mais maintenant il est vrai que je deviens le vis-à-vis pour la communauté : si on cherche la responsable, c’est moi. J’entre là-dedans avec la force que Dieu me donne. Pour moi, cette mission n’a pas de sens si on ne parle pas de cette relation avec Dieu. Je ne deviens pas manager d’équipe…, je vis vraiment dans la confiance que Dieu donne les forces, aide les personnes au fur et à mesure de la marche. C’est dans ce cadre-là que j’ai accepté cette mission.
Avez-vous des projets pour la communauté ?
Pour le moment, je me sens faire partie d’une histoire. La croix que je porte est celle de la première sœur fondatrice et date de 1842. Je sais qu’avant moi il y a eu des sœurs et qu’il y en aura après moi, même si nous ne sommes pas très nombreuses. Ça, c’est très fort. Je n’ai pas forcément pour but de tout bouleverser, de tout changer. Pour moi, cette dimension de prière et d’accueil est une ligne forte de notre communauté, et j’ai bien l’intention que l’on continue dans cette direction car je crois que le monde d’aujourd’hui en a besoin. Je pense notamment à la crise du Covid, à la guerre en Ukraine et à toutes celles dont on parle moins. Il se passe beaucoup de choses qui génèrent de la souffrance. Je crois qu’il faut des points de repère pour le monde, pour permettre aux gens de trouver Dieu, des jalons dans leur vie, ou un peu de lumière, un peu d’espérance. Et pour le moment, je crois que c’est une mission pour nous. C’est pour ça que je crois qu’il y aura une suite à la communauté. Le Dieu que je connais a choisi de passer par nous pour donner son amour, et nous sommes responsables d’accepter et de partager son
amour et son espérance. Donc je n’ai pas de projets physiques ou matériels. Maintenant, je suis en train de prendre mes marques. Je vais rencontrer les sœurs de Strasbourg et les sœurs au Hohrodberg. Et nous allons continuer à être témoins dans le monde d’aujourd’hui, à tendre l’oreille pour savoir comment investir ce rôle. Je crois que cela répond vraiment à la mission originelle de la communauté.
Propos recueillis par Anne Mellier
* L’établissement des Diaconesses est une association qui regroupe aujourd’hui un certain nombre d’activités et d’établissements à Strasbourg : soins à domicile, Ehpad, résidence autonomie, formation professionnelle… et participe à la gestion de la clinique Rhéna et de l’ensemble scolaire du Gymnase Lucie Berger-Jean Sturm.
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