Élections européennes

Pour évaluer les enjeux des prochaines élections européennes, la Commission des affaires sociales, politiques et économiques (Caspe) de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine, présidée par Fabienne Rubach, a mandaté certains de ses membres parmi lesquels Jean-François Collange, Pierre Greib, Robert Hertzog, Jean-Luc Sadorge et Gilbert Vincent. Ils nous livrent ici leurs réflexions en sept points.

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Le 9 juin prochain, les électeurs désigneront dans les 27 États de l’Union européenne (UE) leurs représentants au Parlement européen qui, pour les cinq ans à venir, incarneront leurs aspirations et défendront leurs intérêts dans les politiques européennes. Ils pourront ainsi exprimer pleinement leur rôle de citoyens européens en décidant de la composition de cette délibérative. Pas toujours bien connue par l’opinion mais aux pouvoirs importants, et elle est garante du caractère démocratique des institutions européennes grâce à des députés élus au suffrage direct. Nous sommes citoyens de la commune, de la région, de l’État et de l’Europe ; à chaque fois il faut se déterminer en fonction d’enjeux spécifiques et des compétences effectives de l’organisme concerné sans se laisser détourner par des propagandes de campagne souvent simplistes voire falsificatrices. Il n’y aura pas plus de technocratie dans la gouvernance européenne que dans celle des États dès lors que les parlementaires représenteront véritablement des citoyens conscients de leurs responsabilités européennes et s'investiront pleinement dans leur fonction. Deux conditions doivent être réunies pour cela. La première est que les électeurs participent nombreux au scrutin afin de conforter la légitimité de l’assemblée et d’y exprimer toutes les sensibilités. La seconde est que ces électeurs choisissent des délégués avec lesquels ils partagent valeurs et convictions en fondant leur choix sur les programmes européens des candidats, dûment étudiés, et non sur des considérations de politique française ou des arguments très éloignés des compétences réelles du Parlement européen.

Pourquoi vouloir être européen ?

Il est crucial de comprendre que l’identité européenne va bien au-delà d’une simple reconnaissance géographique. C’est un appel à s’engager dans la construction d’un avenir collectif, nourri par une réflexion sur notre histoire passée et nos valeurs fondamentales.
Cependant, nous devons faire face à une tendance troublante à critiquer l’Europe sans réellement comprendre son essence. Oublier qu’elle fut un projet audacieux, forgé sur les cendres des guerres et des divisions nationales, c’est risquer de compromettre notre avenir commun. La mémoire courte est un rappel constant des ravages causés par l’ignorance et l’égocentrisme. La question cruciale est de savoir si l’Europe peut nous protéger de ces sombres réalités. La réponse réside dans notre conscience citoyenne. Celle-ci exige une compréhension profonde de nos valeurs et traditions communes. De la tradition judéo-chrétienne aux idéaux des Lumières, ces fondements philosophiques et éthiques ont nourri notre parcours européen. Il est temps de redécouvrir ces principes. Libérés de la peur de l’autre, nous pouvons construire un monde dont la confiance mutuelle et l’hospitalité sont les piliers. L’élargissement de notre horizon culturel et la coopération internationale deviennent des impératifs pour surmonter les défis contemporains. La critique constructive, basée sur une argumentation solide et la relecture de notre histoire, est essentielle pour contrer les discours populistes et xénophobes. L’espoir, non la peur, est le moteur de la lucidité et du courage, qualités indispensables pour être un citoyen digne de ce nom.

Pourquoi voter ?

Les mutations économiques, sociales, écologiques, démographiques et technologiques de ces dernières décennies posent à notre continent des défis considérables. Les conflits aux portes de l’UE pourraient remettre en question 75 années pendant lesquelles un conflit entre les pays membres était devenu impensable. Face à ces défis, aucun pays ne peut trouver seul les solutions. Le projet européen basé sur le débat démocratique permet d’aborder l’avenir avec une force plus grande. Nous devons réaffirmer par notre vote qu’avec nos ressources et nos intelligences mises en commun, l’avenir se construira, les valeurs et la paix seront défendues.

Climat : passons enfin à l’action !

L’année 2023 a battu tous les records : elle est de loin l’année la plus chaude jamais enregistrée. Pourtant, face à cette réalité et à toutes les catastrophes climatiques que notre planète a connues cette année, nous vivons une période de bascule avec des injonctions contradictoires : malgré les engagements qui avaient été pris en 2020, faut-il faire une pause, voire revenir en arrière sur le Pacte vert européen comme le demandent notamment certains agriculteurs ? Assurément non : pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il est impératif de cesser dès maintenant et d’urgence tous les investissements dans les énergies fossiles. C’est évidemment possible : toutes les solutions sont sur la table et nous n’avons plus aucune raison de procrastiner. Le sujet est planétaire. La réponse ne peut venir que d’une politique volontaire et ambitieuse pilotée à l’échelle européenne : surtout ne détricotons pas le Pacte vert !

Respect de l’État de droit et hospitalité

Appuyés sur la Déclaration des droits de l’Homme de 1948 et des conventions qui en garantissent le respect effectif, les fondateurs de l’UE ont uni des démocraties reconnaissant l’État de droit comme garant des libertés fondamentales. Ces bases posent les limites qu’une majorité, même légalement élue, ne peut transgresser. Peuplée au cours des siècles par des populations venues d’horizons divers, l’Europe ne peut se penser comme une forteresse assiégée. Pour ceux qui, arrivés récemment, cherchent une protection contre l’oppression et une vie meilleure, l’hospitalité est une exigence forte. Les députés doivent faire respecter ces principes au bénéfice de tous ceux qui résident sur le continent.

Paix et sécurité

« Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix. » Ces paroles du résistant Manouchian Missak à son épouse Mélinée, la veille de son exécution par les forces des ténèbres en février 1943, rappellent que Paix et Liberté ne sont jamais simplement données mais se doivent d’être toujours protégées et promues… jusqu’au sacrifice s’il le faut. Le peuple ukrainien en témoigne, à sa manière, plus que jamais aujourd’hui encore. À l’abri de ces courages assumés, enfants d’une Europe libre et en paix – mais menacée –, il nous revient de ne pas laisser mourir par négligence et facilité ce que tant d’abnégations et d’efforts nous ont généreusement donné.

L’Europe à Strasbourg

L’Europe est dans le cœur des Alsaciens et des Mosellans qui la vivent au quotidien. Ils ont d’autant plus de raisons d’aller voter le 9 juin qu’ils y désigneront les représentants français au Parlement européen qui a son siège et tient ses sessions à Strasbourg. Capitale de trois organisations européennes, cette ville symbolise, par son histoire et sa culture, la paix sur le continent, l’humanisme, la démocratie et l’État de droit, qui sont aussi des valeurs du protestantisme, dont nous avons aujourd’hui besoin plus que jamais. Le Parlement européen est un acteur important pour leur promotion sur le continent et pour leur mise en œuvre effective. Mettons nos votes en accord avec nos attentes et besoins en choisissant nos élus en parfaite connaissance de cause.

Espérance

Mais où est donc passée, en ce début de XXIe siècle, l’espérance ? Crise climatique menaçante, retour de guerres dévastatrices, emprise insidieuse d’épidémies retrouvées, bouleversements continus… où trouver dignité et courage de faire face à l’avenir ? Il se pourrait pourtant que l’espérance véritable (dont Charles Péguy assurait qu’elle étonnait Dieu lui-même) – à l’encontre de ce que ne cessent de seriner les mirages de slogans et de publicités étourdissants – ne tient pas dans le scintillement de miroirs trompeurs. C’est du creux même de la souffrance et du malheur assumés et surmontés que naît la « petite fille espérance » ; c’est sous la Croix endurée que point – si près et si loin ! – la lumière de Celui qui vient et redonne vie à ce qui semblait mort à jamais.

 Les membres de la Commission des affaires sociales, politiques et économiques
de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine

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Pour nourrir la réflexion

Pourquoi vouloir être européen ?

Avant tout, pourquoi dire « vouloir être européen » ? Parce que c’est une façon de souligner que l’on n’est pas européen, sans plus ; que l’on n’est pas européen sans se préoccuper de le devenir et sans se soucier de ce que l’Europe pourrait devenir – en mieux -, mais aussi du risque qu’elle court, ou que nous lui faisons courir, si l’on ne se soucie pas d’elle. On devrait le savoir, en effet : la répétition, la banalisation, c’est l’usure des meilleures choses, gestes, réalisations, institutions, tandis que la réinvention, c’est, pour ces choses, une forme de rajeunissement ; c’est en particulier, pour les traditions dont nous héritons, une manière de leur redonner vie, sens et vigueur.
Or il existe aujourd’hui une façon de « critiquer » l’Europe qui ressemble beaucoup à la réaction d’enfants gâtés. Considérant l’Europe comme un acquis, oubliant qu’elle a été un projet et une construction courageuse et délicate et que, comme toute construction, elle ne perdure qu’au prix de beaucoup d’entretiens voire de réaménagements, on se permet de faire les difficiles et d’exiger sans mettre la main à la pâte, sans se reconnaître solidaires de ceux qui nous ont permis et nous permettent de vivre en Europe, en tant qu’Européens.
Hélas, nous avons la mémoire trop courte. Nous oublions qu’avant la construction européenne, l’Europe était le théâtre de guerres récurrentes, alimentées par un nationalisme débridé, lui-même entretenu par des États tellement jaloux de leur souveraineté qu’ils étaient prêts à tout pour flatter l’orgueil et l’égoïsme national. Mais, pire que les guerres et leurs massacres, il y a eu, plus récemment, alors que nous nous croyions les bénéficiaires d’un progrès irréversible des mœurs, les génocides ; soit l’horreur même, le déni de l’humanité d’une partie des humains.
L’Europe saura-t-elle nous protéger des génocides et des guerres ? Oui ; à condition que nous le voulions, que nous reconnaissions qu’il en va de notre destin et que ce destin dépend de nous, c’est-à-dire de la décision de chacun d’être, ou non, un citoyen européen, un citoyen conscient.

Comment devient-on un citoyen conscient ?

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Et d’abord, de quoi convient-il d’être conscient ? Pas seulement des crimes, massacres et génocides passés, mais encore des valeurs sur lesquelles se sont fondés le projet et la réalisation de la construction européenne. Autant dire, des traditions qui ont forgé et porté jusqu’à nous ces mêmes valeurs. De ces nombreuses traditions et valeurs qui, malgré leur rivalité, se sont mutuellement enrichies, je mentionnerai tout particulièrement la tradition judéo-chrétienne, qui malgré ses divisions et les guerres entre confessions – les pires des guerres civiles, car menées au nom d’une conception intolérante de la Vérité -, n’a pas complètement oublié la valeur symbolique, prophétique et éthique, d’images comme celle de la terre-jardin dont l’homme est l’usufruitier, non le propriétaire, ou celle du festin messianique auxquelles toutes les nations sont conviées. Je mentionnerai également la tradition philosophique et, plus particulièrement, en ce qui concerne les temps dits modernes, la tradition des Lumières, attachée à défendre et promouvoir l’exercice du jugement personnel et la critique des préjugés– dont le préjugé en faveur du « fait accompli », qui alimente une fausse sagesse : la résignation. L’œuvre de Kant se trouve au confluent de ces deux traditions. Elle a été une source d’inspiration pour nombre de Républicains de progrès, en France, après la chute du second Empire. Or Kant, philosophe allemand, a été l’auteur d’un plaidoyer vigoureux en faveur d’un droit nouveau, destiné à limiter l’arbitraire des États en matière de droit de vie et de mort, comme en matière d’accueil des étrangers : un droit cosmopolitique, fondé sur la reconnaissance du devoir d’hospitalité. C’était là une façon de limiter les conséquences désastreuses du concept de souveraineté étatique, incompatible avec le concept de citoyenneté et avec la pratique de la recherche du moins mauvais compromis, sous l’arbitrage de la raison.
Kant savait que la maxime : « si tu veux la paix, prépare la guerre », conduit à la guerre. Au contraire, un autre philosophe après lui voyait encore dans la guerre une sorte de jugement de Dieu consacrant le bon droit du vainqueur. Kant savait que cette maxime ne conduit qu’à la « paix des cimetières », comme il disait ironiquement. Il savait que le seul moyen de dépasser un état de guerre endémique est une fédération des États, donc une limitation mutuellement consentie du principe de souveraineté, et son remplacement par le principe de solidarité. Voici donc pour les États. Et voilà pour les peuples et les citoyens de ces mêmes États : libérés de la hantise de la guerre, ils devaient l’être également de la peur de l’étranger ; soit la peur de l’autre, et la peur que nous inspirons nous-mêmes en tant qu’autres des autres ; une peur potentiellement meurtrière puisque tout étranger passe pour être un ennemi potentiel et, en attendant, un espion possible, toujours prêt à nuire en secret.
Il s’agit là d’une réelle libération spirituelle. Elle a des effets « pratiques » : le monde s’élargit pour chacun, dès lors que les frontières ne sont plus une clôture, que leur franchissement ne signifie plus que l’on se trouve privé des protections que l’on trouvait « chez soi », grâce à des institutions garantissant, en principe, une sécurité et un bien être relatifs. Élargissement de l’espace habité ou habitable ; mais aussi changement qualitatif de cet espace, dans lequel on peut circuler avec confiance, sans avoir à craindre pour sa sécurité. Changement aussi, en ce qui concerne l’espace plus spécifiquement culturel : il n'est plus mal vu ni mal venu d’apprécier les langues étrangères et de les pratiquer. Alors qu’un autre philosophe, Fichte, accusait de trahir leur nation ceux de ses contemporains qui appréciaient les charmes de la langue française, il est maintenant reconnu que les langues gagnent à se faire des emprunts, qu’elles s’enrichissent, grâce à la traduction, et que les locuteurs gagnent à parler plusieurs langues, qui sont autant de fenêtre et de perspectives sur le vaste monde.

Relire notre histoire

Vouloir l’Europe n’est donc pas trahir un héritage. C’est au contraire être fidèle à ce qu’il a de meilleur, et c’est vouloir faire fructifier cet héritage. Craindre l’Europe et la décrier, avant de la rejeter, ce n’est donc pas revenir au passé, mais refuser ce passé en refusant ce qui, dans ce passé, était promesse d’avenir. Au demeurant, y a—t-il tellement lieu de se féliciter du passé national alors qu’il a été le temps d’une centralisation forcée, d’une normalisation religieuse à coups de dragonnades, d’une mise au ban de tout projet de fédéralisme républicain ? N’oublions pas le sort des Vendéens, ni de bien d’autres régions et minorités !
Comment donc ne pas se rendre compte que notre imagination politique a tout à gagner à se laisser féconder par d’autres modèles, qui n’ont rien d’aventureux puisqu’ils ont été expérimentés, par exemple en Allemagne, qui a une tradition fédéraliste ? Comment ne pas s’apercevoir du caractère daté du conflit franco-français entre traditions religieuses et une tradition républicaine trop méfiante à l’égard des religions pour être vraiment laïque, tandis qu’ailleurs on vit la laïcité de manière moins crispée, moins dogmatique, moins intolérante ? Pourquoi la religion serait-elle l’ennemi de l’intérieur ? La peur que l’on nourrît à son égard ne peut que susciter, en retour, chez l’autre, une peur obsidionale qui le pousse à se fermer, qui alimente la tentation de vivre en vase clos, pour se protéger.
Oui donc, je veux être citoyen européen, participant du concert européen, de la discussion démocratique concernant le choix des meilleures institutions européennes, et des meilleures décisions, les plus respectueuses du meilleur du passé, de ce qui fait le plus honneur à notre commune humanité. Si donc l’hospitalité m’apparait comme l’une des meilleures valeurs de nos traditions, et la confiance mutuelle comme l’une des meilleures façons de vaincre la peur, très mauvaise conseillère en matière de guerre, je m’engagerai, en tant que loyal citoyen, à faire en sorte que la peur du voisin ne se reporte pas sur le lointain, qui parait d’autant plus menaçant qu’on le connait moins. Mais loyauté n’est pas adhésion inconditionnelle. Je veux donc rester critique, me rappelant que toute bonne critique repose sur une argumentation solide, qui est la meilleure protection contre l’irruption des fantasmes ; critique, sachant que l’imaginaire populiste, qui est la grande menace contemporaine contre l’Europe, se nourrit d’ignorance et de mensonges, que ses porte-parole attisent les peurs afin d’apparaitre comme les détenteurs de la solution, sinon comme des sauveurs. On devrait pourtant savoir ce qu’il en a coûté, dans un passé récent, de se laisser séduire par ces soi-disant sauveurs ! Malheureusement, ceux qui mythifient le plus le passé sont ceux qui en méprisent le plus les leçons les plus précieuses !

Relisons donc notre histoire pour ne pas avoir à revivre ce que contiennent ses pages les plus sombres, et sachons que l’espoir, non la peur, est le meilleur allié de la lucidité et du courage, qui sont les premières vertus d’un citoyen digne de ce nom. 

Gilbert Vincent

 

 

Citoyenneté européenne, tout un programme !

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Être citoyen, c’est se reconnaître comme membre et partie prenante d’un groupe dans lequel on est prêt à participer, avec son intelligence, à l’élaboration de l’intérêt commun, la construction du bien commun. Dans le cadre de la commune, du département, de la région, du pays, la France en l’occurrence, les choses s’éprouvent assez facilement : une communauté de destin caractérisée par une histoire, un territoire, une langue, des institutions qui nous sont plus ou moins familières, mais qui s’imposent sans problème. Ce sont aussi des lieux de débats, de projets, des responsables que l’on reconnaît quotidiennement.
Mais l’Europe ce n’est pas aussi évident : de l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord au détroit de Gibraltar ? Des 27 de l’Union européenne (445M hab.) ou des 47 du Conseil de l’Europe (830M hab.) ? Une histoire commune peut-être, mais plus marquée sur le temps long par des rivalités, des guerres que par une unité palpable. Une pluralité de langues, de religions, de pratiques sociales, de pratiques politiques. Sur quels repères pouvons-nous prétendre être citoyens européens ?

Peut-on parler d’un projet commun, d’un avenir commun, d’une vision partagée ? 

Difficile de l’affirmer comme cela sans chercher de raisons. Une chose est assez sûre c’est qu’une volonté s’est exprimée il y a 73 ans pour le Conseil de l’Europe, un peu plus tard pour la communauté européenne devenue ensuite Union européenne : plus jamais de guerre entre nous. C’était au lendemain du conflit le plus meurtrier de l’histoire du continent en nombre de victimes mais aussi en termes de violence destructrice soutenue par des discours totalitaires. Il fallait reconstruire sur des bases qui devaient empêcher le renouvellement d’une telle catastrophe fratricide et suicidaire. Les bases choisies ont été la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948 et la création d’institutions de coopération internationale puis de progressive intégration supranationale sur le principe de la libre volonté d’adhésion des États. Il s’est agi ensuite de concrétiser par des conventions et des traités les intentions proclamées par les pères fondateurs.
Comme habitants de Strasbourg, nous avons la chance d’accueillir le siège de certaines de ces institutions : Conseil de l’Europe, Cour européenne des Droits de l’Homme et Parlement européen. Primauté de la coopération sur les rapports de force, des droits humains sur la raison d’état et du débat démocratique dans le cadre d’une nécessaire séparation des pouvoirs. Une partie du projet a été réalisée : sauf quelques épisodes très violents mais assez brefs lors du démantèlement de la Yougoslavie, il n’y a pas eu de guerre sur le continent depuis 75 ans. C’est un acquis incontestable mais des tensions fortes sur quelques territoires en manifestent la fragilité actuelle. Pour se sentir citoyen, il faut avoir conscience que ce projet européen n’est pas achevé qu’il doit sans cesse se remettre en chantier et s’approfondir sur les repères posés et s’adapter à des évolutions et des mutations spectaculaires. Fidélité et audace devraient être les maitres mots de la construction de cet avenir commun.

Partage des ressources et des richesses

Peuplée de populations diverses installées au cours des siècles, elle ne peut se penser comme forteresse assiégée et close. Sa diversité est une richesse et un potentiel qui continuera de se nourrir d’apports renouvelés. Longtemps prédatrice et dominatrice, elle ne pourra survivre que dans la perspective d’une plus juste répartition des ressources et des richesses. Lieu d’invention d’une modernité technicienne source de puissance, de progrès mais aussi de dégradation des milieux naturels, elle ne peut se sauver qu’en contribuant à réparer la planète. Lieu incomplet mais réel de véritables modèles de protection sociale, a-t-elle la volonté d’étendre cette qualité de vie ? Il y a des paris à lancer. L’Europe le veut-elle, le peut-elle ? Nous citoyens européens, le voulons-nous, le pouvons-nous ? Renoncer à y croire, c’est à terme risquer un retour en arrière très dangereux, c’est tourner le dos à une réalisation, incomplète certes, mais combien forte de possibles encore à explorer et à réaliser.

Pierre Greib

 

 

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