Catherine Schütz Zell est sans doute l’une des femmes du XVIe siècle qui a le plus marqué sa ville et son temps. Elle est l’une des figures féminines majeures de la Réformation. Son portrait par Anne-Marie Heitz-Muller.
Catherine Schütz Zell est née en 1497 ou 1498 dans une famille strasbourgeoise aisée. Elle a suivi une bonne formation dans la langue vernaculaire et une éducation religieuse poussée, et ce dès l’âge de sept ans. Lorsqu’elle eut dix ans, elle décida de dédier sa vie à Dieu et de se consacrer à son prochain. Mais, malgré ses nombreuses prières et bonnes actions, elle ne trouva rien qui la soulageait et l’assurait de l’amour de Dieu et du Salut, jusqu’au jour où elle entendit le message de Luther. Elle devint alors une fervente partisane du mouvement évangélique. Les premiers signes concrets de son engagement furent son mariage avec le prédicateur strasbourgeois Matthieu Zell, le 3 décembre 1523, et sa justification de cette union dans une apologie : elle voulait par ces actes marquer son accord, en tant que jeune femme pieuse et honorable, avec les idées de la Réformation.
Ainsi ce fut, à la lire, par conviction, et non dans un premier temps par amour, que Catherine épousa Matthieu Zell. De plus, elle se présentait comme l’actrice de son mariage, dans une société où les fiancées ne pouvaient que se soumettre aux décisions de leurs parents et de leur futur époux. Cette union provoqua un véritable scandale, d’autant plus qu’au cours de la cérémonie, les époux communièrent sous les deux espèces. Elle eut lieu devant l’autel de la cathédrale, en présence d’une foule innombrable.
Une fois mariée, toute femme de cette époque devait se soumettre à un certain nombre de tâches domestiques et de soins considérés comme typiquement féminins. Ces derniers furent évoqués de façon ironique par Catherine Zell. Elle écrit en effet, dans un propos qui sonne comme une contestation de cet état de fait : « Oui, je voudrais aussi le dire, et rajouter, que vouliez-vous que je fasse ou que je réalise, je ne suis qu’une pauvre femme, à qui il appartient, comme disent certains, de filer la quenouille et de s’occuper des malades »[1]. Catherine se soumit ainsi, comme la société l’attendait alors d’elle, aux tâches domestiques et au soin des plus faibles. Mais cela ne l’empêcha pas de s’engager aussi dans des activités extérieures.
Un rôle politique
Catherine joua un rôle considérable dans la vie sociale et même politique de Strasbourg. Elle secourut des pauvres, des prisonniers et des condamnés à mort, ainsi que des réfugiés, pendant la guerre des paysans notamment. De manière générale, elle se préoccupa du sort des plus fragiles tout au long de sa vie, comme elle se plaisait à le souligner. Elle accueillit chez elle un neveu polyhandicapé, rendit visite à des malades et n’hésita pas à s’adresser directement au Conseil de la Ville, pour dénoncer l’état de l’hôpital qu’elle jugeait déplorable.
Par les actions caritatives qu’elle avait menées, Catherine Zell estimait qu’elle s’était montrée plus utile à la communauté que n’importe quel assistant, ce que son époux lui-même reconnaissait. Catherine Zell pensait que la spécificité de ses activités était due, non seulement à la relation complémentaire qu’elle entretenait avec son mari, mais également à ses propres qualités. Celles-ci étaient par ailleurs reconnues en dehors de Strasbourg, puisque Martin Luther lui-même songea à confier à Catherine des tâches de politique ecclésiale. Catherine prolongea ses actions après le décès de son cher époux, en 1548. Elle continua à visiter, accueillir, soigner, et célébra même les funérailles d’une disciple du dissident Schwenckfeld, parce que les pasteurs de la ville avaient refusé d’y officier. Elle décéda en 1562.
Femme généreuse, tolérante, elle est l’une des plus publiée de son temps : ses lettres de consolation ou d’édification, ses réflexions bibliques, catéchétiques ou polémiques, ses cantiques reflètent le large spectre de son action. Épouse de prédicateur, écrivain, « mère de l’Eglise » comme elle aimait se désigner, Catherine Zell a su profiter de la brèche ouverte par les Réformateurs de la première génération et utiliser sa voix et son énergie au service de son engagement et de sa foi.
Anne-Marie Heitz-Muller
[1] Catherine Zell, in: McKee Elsie Anne, Katharina Schütz Zell 2, p. 127.