Altwiller
Deux paroisses luthérienne et réformée sous le même clocher, un doublon peu commun à Altwiller, 500 habitants. Après des siècles d’un concubinage insolite, 2024 va marquer leur mariage tardif.
Au fil du siècle écoulé, les deux paroisses s’étaient fondues en une même communauté de fidèles. Depuis des années, leurs conseillers presbytéraux siégeaient deux fois, sous étiquette réformée et sous étiquette luthérienne. La bénédiction de leur union par l’État est désormais imminente. Ne reste plus qu’à régler les détails du transfert de quelques terres agricoles à la paroisse luthérienne et la fusion-absorption sera entendue. La présence réformée à Altwiller remonte aux guerres de religions. En 1559, des Huguenots messins réfugiés à Strasbourg organisent l’exfiltration de coreligionnaires jusqu’à sept villages abandonnés d’Alsace Bossue. Altwiller se voit attribuer un pasteur réformé dès 1560. À partir de l’arrivée de luthériens en 1726, le village va compter deux pasteurs, deux presbytères et même deux écoles confessionnelles. Les réformés et les luthériens vont toutefois partager l’église qu’ils viennent de co-construire à la place du temple détruit à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685.
Un rapprochement continu
La défiance entre les deux pasteurs rivaux ne dure qu’un temps. Des archives rapportent qu’à la fin du XVIIIe siècle, le fidèle pris en faute qui souhaitait éviter son pasteur le dimanche, se présentait plutôt à l’office de son confrère. Peine perdue: celui-ci le sermonnait tout autant. Quand les forces vives viennent à manquer pendant la Première Guerre mondiale, le même personnel conduit les deux cultes. L’Église réformée et l’Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine passent alors un arrangement précurseur: un unique pasteur de l’une ou de l’autre institution sera dorénavant nommé en alternance pour les deux paroisses. Dans les faits, plus aucun réformé n’occupera le poste. Les deux écoles du village s’étaient indifférenciées dès le tournant de 1870. Une règle a perduré au-delà pour les enfants de couples mixtes: « Dans la génération de mes parents, les garçons prenaient la confession de leur père et les filles celle de leur mère », rapporte Alain Hauth, 78 ans. « Quand j’étais jeune, le pasteur organisait encore deux saintes cènes pour les fêtes de Pâques, se remémore le paroissien, l’une avec des hosties le vendredi saint pour les luthériens et l’autre avec du pain le dimanche pour les réformés. » Une époque qui lui semble aujourd’hui bien lointaine: « Luthérien ou réformé, quelques personnes âgées réfléchissent encore à ça, sourit-il. Mais les jeunes générations ne comprendraient même plus la question. »
Claire Gandanger
Les paroissiens d’Altwiller autour de l’inspectrice ecclésiastique luthérienne d’Alsace Bossue Moselle Danielle Hauss-Berthelin et du président du Conseil synodal réformé Pierre Magne de la Croix à l’occasion de leur culte commun en septembre 2022 en l’église d’Altwiller.