Et si nous remettions l’Église sur la place du village ? Je ne parle pas des églises ou temples mais bien de la communauté chrétienne qui vit et porte l’Évangile du Christ dans le monde. La présence chrétienne dans le monde est trop cantonnée aux murs de nos paroisses. Avant d’arriver à l’aéroport Paris Charles de Gaulle, il y a dix ans, je faisais le constat que 90% de mes relations étaient constituées de gens d’Église : paroissiens, collègues, fidèles des cercles œcuméniques, etc. Or, il n’est pas suffisant que le pasteur tienne une Bible dans une main et le journal dans l’autre, pour reprendre la formule de Karl Barth. Il faut être et vivre dans le monde ! Aujourd’hui les proportions sont inversées. C’est la grande richesse des aumôneries : être une présence chrétienne, présence d’Église, au cœur du monde, de ses rêves ou déshérences et de ses espérances ou angoisses. La particularité de l’aumônerie aux aéroports est qu’elle se vit au sein d’une activité foisonnante dans des lieux qui sont les places de notre monde-village. Des hommes et des femmes de toutes cultures et de toutes conditions s’y croisent, s’y rencontrent ou s’y quittent par millions. Des dizaines de milliers de personnes dans des métiers d’une grande variété s’y activent jours et nuits, le plus souvent en coulisses pour que cette impressionnante machine fonctionne sans accroc, que les avions atterrissent et décollent et que les voyageurs puissent partir en toute sécurité aux quatre coins du monde. Dans cet univers, l’aumônier est donc avant tout le témoin d’une Présence. Il peut être dans l’un des lieux de culte, partager un moment de prière, un office ou un temps d’échange entre deux inconnus qui peuvent se rencontrer dans la liberté et la vérité de ceux qui ne se croiseront plus jamais. Mais il peut être aussi en itinérance sur l’aéroport, prêt à renseigner les passagers perdus, aider à dépatouiller des situations inextricables. Il est alors l’anonyme qui peut prendre le temps nécessaire, quelques heures et parfois quelques jours, avec une personne. Il est aussi disponible pour le personnel avec qui et auprès de qui il partage la vie de l’aéroport. Le temps, la disponibilité et la gratuité sont son seul luxe, particulièrement précieux dans un monde toujours en ébullition. Présence donc et accueil de tout un chacun. Je ne peux conclure sans évoquer à ce sujet la grande joie des accueils des réfugiés par les Couloirs Humanitaires organisés par la Fédération de l’Entraide Protestante et la communauté Sant’Egidio depuis 2017 et le privilège qui a été le mien d’être simplement, à la porte de l’avion, le premier sourire de bienvenue.
Pierre De Mareuil,
pasteur et aumônier des Aéroports de Paris