En cours de culture religieuse, en primaire, j’aime toujours voir la réaction des grands CM2 qui réalisent pour la première fois la différence entre Av-ent et av-ant. Jusque-là, pour eux, cette période de l’année, avec son calendrier et sa couronne, c’était simplement la période avant-Noël. Mais ils réalisent subitement qu’il y a quelque chose de différent là-dedans. Nous, on connait souvent la raison de ce -ent: c’est la racine latine adventus, qui signifie la venue. L’Avent, c’est cette période dans laquelle nous sommes dans la tension espérante de celui qui vient.
L’attente, c’est un phénomène complexe, n’est-ce pas ? Elle joue sur nos besoins, sur nos désirs, sur nos envies. C’est parfois difficile d’attendre, surtout dans la société occidentale actuelle. Tout est pensé pour nous éviter d’attendre. On rationalise les files d’attente pour aller de plus en plus vite et occuper le client pour lui éviter le vide. On n’attend plus pour voir un film : on allume le service de vidéo à la demande pour le voir immédiatement. On n’attend plus pour une lettre : on envoie des courriers électroniques. L’attente est devenu comme une épreuve dans un monde de plus en plus efficace, et nous sommes impatients comme des enfants qui attendent fiévreusement de savoir ce qui se cache dans ce paquet cadeau sous le sapin.
On n’attend plus : on possède, on saisit. La patience est presque une vertu contre-culturelle et subversive. Et pourtant, année après année, l’Avent proclame un Dieu qui vient, un Dieu qu’on attend. Et je dirais même : cette période nous fait redécouvrir l’attente comme une réalité vitale, qui nous remet à notre place en nous apprenant le rythme naturel de la vie. Attendre Dieu, c’est accepter de ne pas pouvoir avoir la main sur lui. C’est comprendre que Dieu n’est pas simplement une chose, un objet à notre disposition, que nous pouvons posséder. C’est se préparer à l’inattendu, qui peut advenir comme il le désire. C’est ouvrir son cœur pour devenir réceptif, dans une active passivité qui accepte de recevoir plutôt que de tout maîtriser.
Jean-Philippe Lepelletier,
pasteur à Sainte-Marie-aux-Mines
janvier-février 2021