Point de vue : l’Église s’est-elle coupée de la jeunesse ? lnm 17

Pour le pasteur Jean-Mathieu Thallinger, la difficulté n'est pas de trouver une spiritualité spécifiquement jeune pour résoudre le problème de la fréquentation des Églises. Selon lui, les Églises se sont à tort retirées du monde.chris-liverani-YBR-AWm1HQ4-unsplash.jpg

Nous avons cette impression que, plus les années avancent, plus la couleur prédominante dans nos assemblées cultuelles tend vers la blancheur. L'Église se coupe-t-elle de la jeunesse ? Ne sait-elle plus s’adresser aux jeunes générations ? Je ne le crois pas. Je ne crois pas non plus que l'Église ait à jeunir. La désertion – relative – n’est pas que celle des jeunes, elle est aussi celles des parents de ceux qui sont jeunes aujourd’hui. Et je ne crois pas que les jeunes soient particulièrement différents des adultes de ce temps. Tous, nous sommes immergés dans la même culture. On pourra trouver des jeunes qui pourront s’épanouir dans une culture traditionnelle, des jeunes indifférents, des jeunes à tendance intégriste, des jeunes postmodernes. En fait, je crois que « le jeune » n’existe pas. Il y a des jeunes chrétiens certainement mais pas des chrétiens jeunes.

Notre difficulté me semble double. Elle est premièrement celle de la transmission. Ainsi le Monde des Religions publiait récemment (1)une enquête qui évoquait la « reproductivité » religieuse. Il remarquait : « Elle est très forte chez les familles se déclarant sans religion, où 93 % des enfants se déclarent eux aussi sans religion ; le taux est aussi élevé chez les enfants musulmans et juifs qui sont 91 % à déclarer appartenir à la même religion que leurs parents ; l'écart est en revanche très important chez les catholiques, avec une reproductivité de seulement 25 %. » L’étude n’évoquait pas les protestants, mais je présumerai des chiffres plus proches de ceux des catholiques que des « sans religion ». 

Noyée dans un monde hyper-communicant ?

Notre difficulté à transmettre me semble tenir au fait que l'Église ne sait plus se dire dans le monde de la communication médiatique universalisée. Celle-ci est un ogre insatiable qui a sans cesse besoin de se nourrir de nouveauté, de discours clivants, d’images et de paroles fortes. C’est pourquoi notre manière d’envisager l’Evangile plutôt en finesse, privilégiant les petits, la force du faible, appréciant autant le dernier que le premier, a beaucoup de mal à émerger sous forme tranchée. Adeptes du compromis, des paradoxes, de la pensée complexe, notre identité est dialectique, chèvre et chou. Nos convictions sont difficiles à formuler pour nous-mêmes, donc à communiquer à autrui et en conséquence à transmettre aux jeunes.

Il n’est ainsi pas surprenant que nous peinions à répondre aux questionnements existentiels de jeunes immergés dans cette société du visible, du culte de la réussite et de la pensée binaire. On comprend aussi que les mouvements les plus radicaux soient davantage en phase pour évoluer sur ces territoires nouveaux.

Finalement c’est plus l’Eglise qui a démissionné du monde qu’elle ne comprend plus que le monde qui aurait démissionné de l’Eglise dont il ne veut plus. Nous n’assistons pas tant à la fugue des jeunes de nos Églises qu’au divorce entre le monde et les Églises. Les jeunes se voient ainsi contraints à devoir choisir entre leurs deux « parents ».

Lorsque l’Eglise abandonnera la nostalgie de ce qu’elle a été et reviendra vivre dans le monde où elle est, confiante en la radicalité de la Parole non radicale dont elle témoigne, elle retrouvera la confiance et la pertinence auprès des jeunes, comme auprès des moins jeunes. C’est pour bientôt.

Jean-Mathieu Thallinger,
pasteur à Mulhouse et
président de la Dynamique jeunesse de l'UEPAL.

(1) www.lemondedesreligions.fr/savoir/croyants-ou-non-les-jeunes-veulent-vivre-la-religion-autrement-06-06-2013-3154_110.php

 

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