Faut-il ou non légaliser l’euthanasie et le suicide assisté dans notre pays ? En vue de la prochaine révision de la loi bioéthique, la Fédération protestante de France (FPF) est sur le point d’exprimer sa « réticence ».
Depuis 2016, la loi Claeys-Leonetti rend contraignantes les directives anticipées et ouvre pour les personnes en fin de vie un droit à demander une sédation profonde et continue en attendant que survienne leur décès. Des dispositifs qui complètent les lois Kouchner de 2002 permettant l’arrêt des traitements et Leonetti de 2005 interdisant l’acharnement thérapeutique. Il n’empêche que 83 % des Français estiment que « dans certaines circonstances, chacun devrait pouvoir choisir le moment de sa mort ». Chez les protestants, ils sont 73 %, dont 54 % parmi les évangéliques, à partager cet avis1. Le fait que, malgré les progrès de la prise en charge de la fin de vie ces trente dernières années, plus d’un tiers des personnes meurent toujours dans des conditions difficiles en France, n’est sans doute pas sans lien avec ces chiffres. Par ailleurs la Suisse et la Belgique, pour ne citer que ces deux pays, accueillent sous certaines conditions les étrangers souhaitant mettre fin à leur vie.
Un texte de compromis
La prise de position de la FPF, dans laquelle se reconnaissent à la fois les luthéro-réformés et les évangéliques, est un texte de compromis2 qui pointe les enjeux, aussi bien sociétaux que théologiques, d’une loi qui permettrait l’accès à l’euthanasie ou au suicide assisté. Y sont clairement exprimées de grandes réserves : donner la mort ne peut être considéré comme un soin, fût-il ultime ; dépénaliser l’assistance au suicidepourrait porter atteinte au courage de vivred’autres personnes en situation de fragilité que celles en fin de vie. Au chapitre des préconisations, figurent le développement des soins palliatifs et la volonté de « laisser ‘du temps au temps’ pour évaluer l’impact et les modalités d’application (de la loi Claeys-Leonetti ndlr) ».
Cela étant, face à la demande sociétale de plus en plus forte de pouvoir maîtriser son existence depuis ses débuts jusqu’à son terme, Jean-Gustave Hentz, praticien hospitalier émérite des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, théologien et président de la commission Éthique et société de la FPF, estime que « le suicide assisté, tôt ou tard, sera autorisé en France ». « Pour les Églises, il vaut mieux anticiper que de se retrouver devant le fait accompli », poursuit-il, citant l’exemple des protestants helvétiques du Canton de Vaud, qui ont développé une théologie de l’accompagnement du malade, des familles et des soignants concernés.
Promouvoir la réflexion et le débat, donner à chacun(e), y compris aux jeunes, les moyens de se forger une opinion personnelle sur ces questions, est une volonté clairement affichée et assumée par les Églises membres de la FPF.
Caroline Lehmann
1 : Sondage Ipsos pour l’hebdomadaire Réforme : « Les protestants en France », octobre 2017.
2 : Texte publié en novembre 2018.
Lexique
- Directives anticipées : consistent à rédiger ses volontés sur les traitements et actes médicaux à mettre en œuvre (ou pas) pour sa fin de vie en cas d’accident ou à l’issue d’une maladie grave. Aujourd’hui, moins de 5% des Français en ont formulé.
- Soins palliatifs : approche prenant en compte la personne malade en fin de vie dans sa globalité (physique, psychique, sociale, relationnelle et spirituelle).
- Sédation profonde et continue jusqu’au décès : consiste à endormir une personne comme pour une anesthésie générale, pour qu’elle ne sente plus rien, dans l’attente de son décès.
- Euthanasie : geste actif d’un tiers qui met fin à la vie d’une personne en lui administrant une substance létale.
- Suicide assisté : consiste à permettre à quelqu’un qui y a mûrement réfléchi et qui répond à des critères, de mettre fin à sa vie.