Depuis la nuit des temps… laisser du temps au temps… ou encore : le temps presse… Le temps régit nos vies selon l’emploi du temps, mais prenons-nous le temps ?
Se donner des repères, un rythme, un calendrier pour réaliser un projet communautaire ou personnel – Chronos… Discerner, saisir peut-être l’opportunité d’un moment, d’un carrefour d’énergies concordantes pour franchir un pas décisif – Kairos… Ressentir, se nourrir, se laisser régénérer au fil des grands cycles décrits par le temps à travers sa fuite – Aion… Les ressources du temps sont infinies, pour peu que l’on accepte qu’il poursuive sa course ! Qui n’a pas éprouvé le temps de la guérison, même si certaines cicatrices demeurent sensibles à jamais, pouvant ainsi devenir – si Dieu nous en accorde la force – souffle, aiguillon, voire fer de lance ? Que soit béni le temps qui en pansant nos plaies nous rend plus clairvoyants ! Minuscules êtres humains au regard de l’immensité des temps et des espaces, soumis aux tempêtes dévastatrices comme aux aurores inattendues, nous traversons le cours de notre vie de croyants avec entre nos mains ce bien inestimable : la flamme de notre foi. Lueur parfois ténue, parfois resplendissante, fil et socle tour à tour, qui trace le cercle où nous abandonner dans la prière.
Attente liturgique
Il est dans l’air du temps de parler de « lâcher prise » ; c’est bien ce qui advient lorsque nous cessons de miser sur notre propre volonté, lorsque nous déposons notre accablement devant les souffrances et les incohérences du monde qui aujourd’hui ne peuvent plus être voilées par les distances, lorsque nous parvenons à nous mettre à l’écoute du dessein de Dieu dans la confiance, et l’espérance. Mais trouverions-nous les ressources pour notre prière personnelle, si elle n’était soutenue et nourrie par la lecture partagée des textes bibliques, au cours du cycle de l’année liturgique ? « Trait d’union entre la terre et le ciel », ce cycle est à l’âme ce que les saisons sont aux sens, il donne couleurs et profondeur à la façon dont nous ressentons le temps qui passe. Imaginons une vie qui ne se déroulerait qu’en temps ordinaire ! Celles et ceux qui ont frappé à la porte de l’Église dans le cours d’un cheminement personnel, qu’ils soient nés ou non en son sein, peuvent témoigner de cette absence de relief. Sans l’attente nourrie des récits périodiquement revisités, ceux-là même qui portent en eux les questions fondamentales qui animent notre humanité… sans les lumières en souvenir d’une naissance salvatrice au solstice d’hiver… sans la mémoire d’une mort inéluctable, ni l’assurance d’une Résurrection qu’évoque chaque année la renaissance de la Création… Le temps omniprésent dans nos habitudes de pensée, de langage, dans notre vie intérieure, et en même temps invisible, indéfinissable, insaisissable… Savons-nous simplement (mais il peut être si complexe d’accéder à la simplicité !) goûter la profondeur d’un instant ? Et si l’éternité était dans l’instant ?
Sylvie Michel,
diacre