Laure Noualhat publie Comment rester écolo sans finir dépressif (éditions Tana). Un livre que la journaliste a muri pendant dix ans. Le temps, pour elle, de suivre son propre cheminement d'éco-dépression puis de résilience.
L’éco-dépression est-elle un passage obligé de la prise de conscience écologique ?
Elle n’est pas un passage obligé mais un passage commun à beaucoup de personnes. J’observe autant d’hommes que de femmes qui s’éduquent, s’informent et croient en ce que dit la science. Ils font face à des nouvelles angoissantes. Il y autant de jeunes que de vieux, dont de plus en plus d’adolescents de 1415 ans et de vingtenaires qui se questionnent quant à leur vie professionnelle future. Il est difficile de vivre ce passage, comme de parvenir à l’identifier comme tel : au fond du gouffre, en train de se dire que l’avenir n’a absolument aucun futur, plus rien n’a de sens.
Est-elle différente des autres formes de dépression ?
Il s’agit de faire le deuil d’un certain avenir, du XXe siècle et de tous nos rêves d’enfants pourris-gâtés. C’est assez proche d’une dépression liée à la perte d’un être cher ou à celle d’un travail dans lequel nous sommes en dissonance entre nos valeurs et celles de l’entreprise. Le deuil suit toujours le même processus : après la sidération, acte fort qui pose la prise de conscience, suivent les étapes de déni et de dépression. Vient ensuite l’acceptation avant de repartir vers la vie. Mais il en va ici de la survie de l’espèce humaine, ce qui désarçonne totalement un individu. C’est de la métaphysique pure : qui suis-je au sein de cette destinée humaine ? Comment agir ? Contre qui se retourner ? Où poser sa colère ?
Comment s’en sortir ?
Je parle dans le livre des choses qui m’ont touchée ces derniers temps, comme la méditation. Chacun va trouver en fonction de sa sensibilité. Le plus dur étant l’acceptation : comment être calme avec cette idée que nous pouvons potentiellement tuer l’espèce humaine ? L’action, en s’organisant collectivement pour faire avancer ses idées, est commune à la plupart des solutions. Il y a aussi deux questions à se poser : que puis-je faire et qui est-ce que je veux être dans les temps qui viennent ? Nous ne savons pas trop ce qui va se passer, mais demain sera pire qu’aujourd’hui.
Propos recueillis par Bénédicte Weiss