Depuis plus de cent ans, le programme des refuges LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) propose à des particuliers d’aménager chez eux un espace de nature pour participer à la protection de la vie sauvage. En Alsace, cela représente aujourd’hui 565 hectares gérés de manière écologique.
Le long de l’Ill, sur les quais de la Wantzenau, le jardin de Laurence Desmarquets est de ceux qui attirent le regard. Derrière les grilles blanches, un plant de rosier buisson déploie ses épines écarlates, non loin d’un arbre à miel. Au fond, un amélanchier du Canada voisine avec un aronia melanocarpa, un pommetier, différents groseilliers, un cassis et quelques muriers. Houx, sorbier à gros fruits, églantines, rosiers, tilleul de Henri, chèvrefeuille fruitier et lavande poussent également sur les quelque 80 m2 de terrain. Une grande variété d’essences, soigneusement sélectionnées par la maîtresse des lieux sur les conseils de la LPO.
« Nous sommes arrivés ici il y a an, retrace Laurence Desmarquets. Je voulais créer un refuge LPO depuis longtemps mais nous habitions en appartement auparavant. Je me suis inscrite dès que nous avons emménagé. » Créé en 1921, «Refuge LPO» est un agrément accordé par l’association à tout terrain sur lequel est initiée une démarche de valorisation de la nature. Il peut s’agir d’un jardin, d’un terrain, d’une collectivité, ou même, depuis 2012 : d’un balcon ! Il n’y a pas de superficie minimale pour intégrer le réseau. L’inscription nécessite juste de s’engager à respecter une charte, de décrire son futur refuge, et de s’acquitter d’un règlement de 35 euros. Les participants reçoivent ensuite un nichoir, des petits guides pratiques et un panneau indiquant le refuge. Écriteau que la Wantzenauvienne n’a toujours pas fixé, jugeant qu’il lui reste « encore deux ou trois choses à faire » pour respecter toutes les bonnes pratiques de la charte, comme installer un composteur ou un système pour éloigner les chats du voisinage. En un an, la Wantzenauvienne a toutefois vu les espèces se multiplier sur son terrain. Perce-oreilles, sauterelles, abeilles et vers de terre notamment, mais aussi limaces et escargots. Pas question d’utiliser des produits phytosanitaires pour autant. « Chaque matin, je les ramasse à la main et je les emmène en forêt », explique en souriant la propriétaire. Et contre les pucerons ? « Du purin d’orties et du savon noir » en attendant que les coccinelles arrivent.
Compenser l’urbanisation
Les oiseaux ont également pris leurs marques, se perchant sur les colonnes de la grille, les hautes branches de la haie du voisin ou le grillage séparant les deux propriétés. Le bec tourné vers les nombreux arbres à baies du jardin de Laurence, plus que vers celui d’à côté, tondu ras, sans bosquet ni fleurs, et planté essentiellement de conifères. Des pics épeiches, bergeronnettes, rouges-queues ou moineaux, pour le plus grand plaisir de la propriétaire des lieux, passionnée d’ornithologie. Améliorer la cohabitation entre l’Homme et la faune sauvage est l’un des objectifs
poursuivis par le programme des refuges LPO. « L’urbanisation grandissante empiète sur les espaces naturels, détaille Cathy Zell, chargée de communication à la LPO Alsace. La faune se trouve aujourd’hui acculée dans les rares zones naturelles qui restent, ou se retrouve condamnée à cohabiter avec nous. » Avec un risque de sélection. « Il est important de prendre conscience que nous vivons avec des animaux sauvages au quotidien et que toute destruction crée des déséquilibres », poursuit-elle. Dans le bulletin d’information que reçoivent les membres du programme, la LPO fait donc œuvre de pédagogie, battant en brèche les idées reçues sur les espèces dites nuisibles – araignées (excellentes pour réguler les populations d’insectes), chauves-souris, serpents, etc. « Créer un refuge, ce n’est pas seulement mettre un nichoir, un hôtel à insectes et choisir les essences à mettre sur son terrain, insiste Cathy Zell. C’est aussi recréer des équilibres, un écosystème. Et trouver une balance qui permette à la faune sauvage de cohabiter avec nous paisiblement tout en profitant d’un beau jardin. »
Anne Mellier