En 2014, l’édition des textes de jeunesse de Bernard Charbonneau (1910-1996) et Jacques Ellul (1912-1994) a montré à quel point ces deux auteurs étaient visionnaires. Ils ont développé une vision commune de l’écologie politique tout au long de leur existence et de leurs nombreux écrits.
Amis pour la vie, l’un agnostique et l’autre protestant, les deux intellectuels ont été biberonnés au scoutisme unioniste. Ils ont été, dès 1933, des pionniers en matière d’écologie politique en France. Alors qu’ils demeurent peu connus, très rares sont les lecteurs à avoir lu, ensemble, Charbonneau et Ellul. C’est le défi que relève brillamment le professeur Frédéric Rognon dans un maître livre qui vient de paraître, clair et méthodique, Le défi de la non-puissance*.
Il donne à lire des textes parfois inaccessibles et a l’originalité de faire sans cesse des va-et-vient d’un auteur à l’autre pour montrer leurs fécondations réciproques. Cet ouvrage est majeur. Il révèle l’actualité saisissante de ces deux œuvres, ô combien réalistes, et donne des outils pour réfléchir et agir sous le signe du « penser global, agir local », qu’ils ont inventé. C’est un constat de l’impuissance (la nôtre, bien souvent) et un éloge de la puissance (l’esprit de résurrection) de la non-puissance au milieu d’un monde marqué profondément par une puissance mortifère (l’esprit de mort). La lecture de ces pages « [...] exige d’être prêts à plus d’une remise en question, à plus d’une conversion. C’est tout notre regard, toutes nos habitudes de pensée, tous nos styles de vie qui se trouvent interrogés. Mais tel est le prix à payer pour qu’une lucarne s’ouvre, pour qu’un fil de lumière perce les ténèbres de l’avenir. Tel est le prix de l’espérance. » À leur suite, il s’agit d’être des hommes et des femmes réellement libres et responsables en ce monde pour y être d’authentiques témoins d’espérance.
Jean-Sébastien Ingrand
*Le défi de la non-puissance. L’écologie de Jacques Ellul et Bernard Charbonneau de Frédéric Rognon, éditions Olivétan, 2020.