Au Liban, la crise de trop

Au Liban, le Covid-19 est venu bouleverser un pays déjà frappé par de graves crises. Les mesures de prévention ont un impact considérable sur les conditions de vie déjà précaires de la population.17_child2.jpg

Dès début mars, le Liban a pris des mesures sanitaires importantes suivies d’un confinement et d’une mobilisation exemplaire du système de soins. Le déconfinement progressif entamé fin avril a connu une parenthèse de re-confinement en mai. Début juin, seuls 26 décès avaient été recensés. Mais ce « bon chiffre » s’inscrit dans un contexte social et économique extrêmement difficile.

Le pays s’enfonçait déjà depuis des mois dans une crise majeure : faillite de l’État, chute de la livre libanaise, inflation galopante, hausse du chômage, baisse des revenus, restrictions bancaires. Avec l’arrêt de l’activité économique liée au confinement, la situation s’est encore aggravée. Plus de 50% des Libanais se trouvent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. La pasteure de Tripoli, Rola Sleiman, confie que sa paroisse vient maintenant en aide à des familles qu’elle n’aurait jamais imaginé devoir secourir. Dès octobre dernier, un mouvement de contestation pacifique accusait le système politique de corruption et d’incompétence. Soutenu officiellement par les Églises, il avait abouti à la formation d’un nouveau gouvernement, plus technocrate et moins partisan. Le confinement a stoppé temporairement le mouvement social, mais dès le début du déconfinement, des manifestants, exacerbés par l’inflation, sont retournés dans la rue. Le nouveau gouvernement est donc mis au défi de gérer une crise à la fois sanitaire, économique et sociale sans précédent.

L’engagement des Églises protestantes

Cette dure réalité affecte bien sûr les Églises protestantes à tous les niveaux. Le confinement a amené les communautés à se déployer sur Internet pour célébrer des cultes et partager des temps de soutien essentiels. Une autre préoccupation majeure est l’éducation, où les protestants sont particulièrement engagés. La situation économique fragilise beaucoup d’établissements et, faute de moyens, de nombreux élèves ne suivent plus d’études universitaires. Beaucoup n’ont pas pu suivre d’enseignement à distance lors du confinement, faute d’équipements informatiques.

L’engagement des Églises s’intensifie envers les Libanais les plus pauvres et les nombreux réfugiés syriens présents dans les camps. Depuis mars, le Centre d’action sociale des Églises protestantes arméniennes, situé dans la banlieue pauvre de Bourj Hammoud, tente de répondre aux besoins : 

aide au logement, aide alimentaire, suivi médical, accompagnement de personnes isolées et dépendantes, projet pour la petite enfance, aide éducative à distance, soutien moral, social et spirituel.

Le Synode arabe, la principale Église protestante de langue arabe, mène de son côté deux projets via ses paroisses et son ONG Compassion Protestant Society. Le premier consiste à fournir des colis sanitaires et des informations de prévention aux réfugiés syriens. Le second vise à aider des familles libanaises en grande précarité, sur le plan alimentaire. L’objectif est de toucher chaque fois mille familles. L’Action chrétienne en Orient (ACO) cherche des relais pour renforcer cette aide. La Fondation du protestantisme a déjà répondu présente.

L’accumulation de crises aura sans doute des conséquences durables, mais une plus grande responsabilisation se fait jour au niveau politique et communautaire. Les organisations culturelles, universitaires, les Églises et institutions caritatives se mobilisent avec ingéniosité, « en virtuel » comme « en réel ».

« Le Covid-19 a révélé l’extrême fragilité et l’interdépendance humaines, relève Anie Boudjikanian, amie libanaise de l’ACO. Les distinctions Nord-Sud, riches-pauvre, ont été bafouées. Cette souffrance de grande envergure donnera un sens à notre vie, une responsabilisation pour l’édification de notre prochain et celle de nos frères aux confins de notre planète. »

Mathieu Busch,
pasteur et directeur de l’ACO

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