L’Union d’Églises met en place un comité indépendant d’accueil, d’écoute, d’accompagnement et de suivi pour les victimes et les témoins de violences sexuelles, sexistes et spirituelles. Il s’articule avec un protocole de conduite pour tous les membres d’Église.
À partir de septembre, l’Uepal met un « comité d’accueil et de suivi », composé de cinq professionnelles de différents champs, au service des victimes de violences psychiques, physiques ou sexuelles. Ces dernières peuvent déjà le contacter par mail. Il leur sera proposé une première rencontre avec deux de ses membres. « L’idée est d’aider à la libération de la parole dans un lieu totalement sécure, où les personnes puissent être entendues et crues dans l’anonymat et la confidentialité », indique l’une d’elles, Geneviève Louisadat, avocate honoraire spécialisée en droit de la famille et présidente de l’association Solidarité femmes 67. L’accompagnement peut aller de l’écoute à une orientation juridique et même à un accompagnement physique à la gendarmerie. « Il revient à la victime ou à l’Église en tant qu’institution de saisir la justice », prévient Geneviève Louisadat. Ce comité est en ce sens un « maillon neutre, explique Pierre Magne de la Croix, vice-président de l’Uepal : Il peut aussi faire relai entre les victimes et l’Église, en accompagnant les attentes des premières vis-à-vis de l’institution et en jouant un rôle de conseil auprès de celle-ci. » Ses membres se tiennent aussi à la disposition de tout témoin ou personne ayant des informations sur des faits de violence et qui aurait besoin d’être conseillé.
La constitution de ce comité accompagne l’entrée en vigueur d’un protocole harmonisé de l’Uepal qui cadre la conduite à tenir par les membres d’Église – pasteurs, élus laïcs, bénévoles, personnels d’Église… – mais aussi celle à tenir par l’institution elle-même face à toute situation qui serait portée à leur connaissance. « Nous ne remplaçons pas les pouvoirs publics, pose Pierre Magne de la Croix. Mais l’Église ne se désengage pas. » Le mot d’ordre est de toujours encourager les victimes à porter plainte. Mais l’Église garde ouverte la possibilité de faire un signalement au procureur de la République avec, dans la mesure du possible, l’assentiment de la victime.
Mesures de suspension
Le texte rappelle que cette possibilité de faire une information préoccupante à la Justice devient un devoir quand une affaire concerne des mineurs. Pour eux, l’obligation d’assistance à personne en danger prévaut même légalement sur le secret professionnel des pasteurs.
Tout signalement d’une victime à l’institution doit désormais être acté par un bref accusé de réception écrit. Si l’Église informe et reçoit alors la personne incriminée quand elle fait partie de son personnel à un degré ou à un autre, « l’Église n’a pas à mener une enquête à la place des pouvoirs publics, assure Pierre Magne de la Croix. Nous écoutons et prenons au sérieux, mais c’est à la justice de mener l’enquête », résume-t-il. Toute confrontation entre les parties est prohibée. Avec l’accord de l’État, l’Église peut dorénavant suspendre un pasteur de ses fonctions à titre conservatoire avec maintien de salaire. Cette suspension devient systématique quand un pasteur fait l’objet d’une enquête de justice. L’Église entend demander à tout autre de ses membres dans la même situation de se retirer de ses responsabilités en Église le temps de l’enquête. « Une suspension n’est pas une sanction », insiste Pierre Magne de la Croix. « La personne est mise à l’écart aussi pour être protégée », rappelle le document de la Fédération protestante de France dont s’inspire l’Uepal*. Le protocole ne prévoit pas de mesure institutionnelle systématique pour les situations qui relèvent de la sphère privée des auteurs présumés. Celles-ci seront appréhendées « au cas par cas », précise Pierre Magne de la Croix. L’Église s’autorise à prendre des mesures si l’instruction d’une affaire aboutit à un non-lieu ou un classement sans suite. « Nous allons être confrontés à la singularité de chaque situation », prévient Rachel Wolff, responsable du service de la pastorale conjugale et familiale de l’Uepal et personne-ressource pour le comité. Après évaluation, ce protocole pourrait être ajusté d’ici un an, avec l’appui du comité d’accueil et de suivi.
Claire Gandanger
*Les violences sexuelles et spirituelles dans le protestantisme. Constats, analyse, engagements et recommandations, document adopté par le FPF les 28-29 janvier 2023 : https://www.protestants.org/publications__trashed/les-violences-sexuelles-et-spirituelles-dans-le-protestantisme-constats-analyses-engagements-et-recommandations/
Stop aux violences psychiques, physiques, sexuelles. Écoute, accompagnement, orientation : accueil-violences@uepal.org
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